Devant l’énormité des problèmes économiques, financiers, industriels, les perspectives pour 2024 sont moroses, c’est pourquoi il faut lancer non pas un programme mais une vision, un cap et une méthode.
Même dans les moments les plus difficiles, il ne faut pas désespérer et trouver le levier pour se relever et persévérer, mais pour les producteurs français, agricoles, alimentaires, industriels au sens large, il est difficile d’exprimer des vœux pour 2024 sauf pour souhaiter à ses interlocuteurs une bonne santé individuelle, source de toutes les résiliences.
Dans un monde chahuté, notre économie est atteinte d’un endettement vertigineux, d’un déficit commercial abyssal et d’un déni de réalité politique et médiatique inimaginable. Un exemple, tandis que les campagnes voient monter la grogne des agriculteurs, que les tracteurs envahissent les routes et certaines agglomérations, que les panneaux d’entrée et de sortie des villes et villages sont inversés pour signifier que l’on marche sur la tête, c’est le sort réservé à une vedette française du cinéma qui a intéressé la communication officielle. Tous les pays du monde ont fini par comprendre l’importance du monde de la production pour conserver ou atteindre la prospérité, pas encore le notre qui est capable de dresser des louanges aux distributeurs qui dénoncent les marges des industriels. On a même frôlé de très près un texte de loi permettant à ceux-ci de « vendre à perte » pour « soutenir le pouvoir d’achat des Français » !
Le secteur productif national repose majoritairement sur des petites et moyennes entreprises, agriculture, pêche, transformation alimentaire, industrie, bâtiment, ingénierie… certaines régions sont mieux loties que d’autres, il y a un historique de compétences, une organisation éducative, une tradition, mais dans l’ensemble le territoire national vit à travers ce tissu très maillé où chacun se démène pour résister, innover, prospérer. C’est à partir de là que les concentrations se réalisent et que les « territoires » (comme on dit maintenant), la « province » comme on disait autrefois, vivent et font vivre une population toujours en augmentation.
Le constat brut est celui d’une perte de potentiel depuis une trentaine d’années, une diminution des emplois directs, des trous béants dans certaines techniques et fabrications et une paupérisation des villes et des campagnes : il est de plus en plus difficile de vivre décemment de son travail. Prenons un exemple, celui de l’accès au logement pour une jeune couple disposant de contrats de travail : il faut s’éloigner du lieu de travail et diminuer les m2 ! A-t-on arrêté cette hémorragie ? La réponse, regrettable, est, hélas non. Elle ne peut satisfaire personne, pas plus la population que le gouvernement.
Cependant, on met en avant quelques indicateurs, celui de la Bourse avec le CAC 40 ou celui des investissements étrangers en France. Ces deux arguments ne répondent pas au problème du secteur productif national, ils permettent simplement de retarder le drame, ce n’est pas suffisant.
L’année qui vient qui précède les deux autres d’un règne qui prendra fin en 2027 pourrait être celle de la prise de risque… de réussir en s’appuyant sur notre passé prestigieux, ses réalisations et les quelques bouées éparses d’excellence et d’esprit d’entreprise. La vie et la prospérité du secteur productif a toujours reposé sur des personnes qui avaient envie qui ont entrainé tous les autres dans des aventures qui ont fini par, globalement, réussir. Le succès d’une nation industrielle n’est jamais venu du conformisme, et, en particulier, de l’écrasement des initiatives sous le poids des normes et règlements et de leurs contrôleurs ! La libération des entreprises est donc un impératif majeur si l’on veut se donner une chance de réussir malgré la poussée des vents contraires. Il faut donc une volonté politique claire approuvée par la population de limiter les carcans de toute nature qui étouffent aujourd’hui le monde de la production. Il suffit de se promener dans notre beau pays et de discuter avec l’agriculteur, le pêcheur, l’industriel ou l’entrepreneur, chacun se sent « empêché » de réaliser, de se réaliser, d’embaucher, de transmettre, d’innover, de prendre des risques… par un environnement quelquefois indifférent, souvent hostile et surtout jaloux exigeant de lui qu’il accumule des dossiers, des paperasses, des certificats, pour terminer par le transformer en mendiant de subventions, en chercheur d’effet d’aubaine, en valet d’une bureaucratie devenue pléthorique et insolente.
L’accumulation de textes, de lois, de décrets, le labyrinthe national et européen, les injonctions contradictoires accumulées et la disparition pour la plupart des décisions collectives de véritables études d’impact ne rendent pas optimistes ceux qui voudraient changer les choses. C’est un travail d’Hercule qui est demandé ainsi mais, paradoxalement, devant l’échec évident des orientations choisies et la fin d’une époque en 2027, n’est ce pas le bon moment d’une remise à plat qu’une nouvelle campagne présidentielle aurait du mal à promouvoir ? Quand on voit le tohu-bohu que les réformettes des retraites et des textes migratoires ont occasionné , pourquoi ne pas y aller plus fort ? Puisque chaque petit dérangement dans des habitudes mortifères provoque un tollé, renversons la table et disons que nous allons revoir de fond en comble les textes (contradictoires) de la plupart des normes et règlements qui gênent le fonctionnement des entreprises, qui font sombrer le moral des chefs d’entreprises et qui conduisent à beaucoup de fermetures et de déménagements. Le Code de l’environnement est devenu un monument incompréhensible et une source d’ennuis invraisemblable sans être assurés pour autant de participer à la défense de notre santé et de notre patrimoine naturel. Il faut un véritable coup de torchon en revenant à l’essentiel et aux mesures indispensables à la préservation de nos territoires et de nos concitoyens. Les nouveaux textes qui nous proviennent sont remplis de bonnes intentions mais la concertation avec les chefs d’entreprises a été formelle avec des instances dites représentatives qui ont été inventées avant que ces nouvelles préoccupations ne nous parviennent. Les principaux intéressés, les chefs d’entreprises par centaines de milliers n’ont ni le temps ni la capacité de tout lire et de méditer. La concertation n’a donc pas eu lieu, et l’échec s’en déduit. Il y a méprise totale sur ce qu’est un chef d’entreprise d’aujourd’hui, près de son personnel et toujours préoccupé de son épanouissement et de son ambition de monter en qualification. Les textes en discussion ou déjà votés montrent une déconnexion avec le monde réel, celui des PME et PMI familiales, de l’ensemble du tissu industriel du pays. Il faut raccommoder les liens entre la population et les entreprises, c’est vrai de notre personnel cela ne l’est pas des observateurs, en particulier du monde de l’éducation qui a encore des préjugés d’antan sur l’entreprise.
Devant l’énormité des problèmes économiques, financiers, industriels, les perspectives pour 2024 sont moroses, c’est pourquoi il faut lancer non pas un programme mais une vision, un cap et une méthode. Il faut s’engager dans une révision des mesures, contraintes et punitions inutiles à l’égard des entreprises en toilettant les cahiers des normes et règlements peut redonner rapidement espoir aux entreprises, encourager les initiatives et offrir une liberté aux entreprises qui souffrent trop aujourd’hui.
L’entrée en matière du renouveau de l’industrie française ne peut qu’être une (re)conquête des centres décisionnels des ministères clés par les ingénieurs, sans laquelle rien de sérieux n’est envisageable. Le tropisme ayant peu à peu amené des communicants-militants stériles à confisquer la quasi totalité de ces centres est la plus éclatante manifestation de l’effondrement de l’expertise française, découlant du naufrage de nos systèmes scolaire et universitaire dont rendent compte tous les classements PISA, principalement dans les domaines scientifique et technique.
Est-il besoin de rappeler à nos compatriotes que l’industrie française n’a pu briller jadis des créations Concorde, Airbus, TGV, Ariane, Rafale et autre parc électronucléaire que grâce à la juste place occupées par nos ingénieurs dans les équipes gouvernementales. Contrairement à une idée reçue, ceux-là étaient parmi les meilleurs dans toutes les spécialités « en même temps » qu’en économie et probablement meilleurs que nombre d’économistes d’aujourd’hui à côté desquels un Marcel Boiteux – brillant non-ingénieur à la tête d’ingénieurs – passe pour Shumpeter.