Qu’est ce qui explique la récente suppressions d’emplois dans l’entreprise Vallourec d’origine française ?
Certains ont voulu s’étonner de l’annonce récente de suppressions d’emplois dans l’entreprise Vallourec d’origine française spécialisée dans la production des tubes en acier sans soudure.
C’est l’occasion d’expliquer une nouvelle fois comment fonctionne l’industrie : si un pays ne possède ni les matériaux de base ni le marché, c’est-à-dire les clients, la transformation, la production, l’industrie se délocalise en se rapprochant des uns ou de l’autre.
Vallourec avait besoin de minerai de fer et d’aciéries d’une part et d’autre part d’un secteur pétrolier et gazier dynamique en France pour se développer. Nous n’avons plus de mines de fer et nous ne voulons plus de pétrole et de gaz : Vallourec ne peut donc rester en France que pour des activités marginales, soit moins de 30 % de son activité et va devoir choisir le meilleur pays en termes d’environnement industriel en Europe qui ne représente plus que moins de 15 % de ses ventes. Les mines de fer en France sont désormais trop profondes et ont été abandonnées dans les années 1980. Nous avons décidé politiquement de ne plus prospecter ni le pétrole ni le gaz, et de mettre fin aux productions existantes. Le marché a donc disparu et la seule chance de survie de ce groupe est de conserver ses activités dans des pays qui poursuivent l’exploration, et l’exploitation du pétrole et du gaz, c’est ce que font les dirigeants du groupe, c’est rationnel.
On pourrait dire qu’il existe des connaissances techniques ancestrales qui sont indispensables et que ceci pourrait conduire à un maintien d’activités nationales. Cette idée de l’existence d’un savoir-faire vivant indépendant du faire, c’est-à-dire de l’installation et l’exploitation, est un leurre comme l’était l’idée de l’industrie sans usine. Il faut faire pour savoir faire, c’est encore une fois rationnel.
Vallourec est une leçon
Ce qui arrive à Vallourec pourrait, au contraire, nous servir de leçon, nous permettre de comprendre l’industrie et d’anticiper les réactions des installations de production aux orientations du marché décidées non par celui-ci mais par les décisions politiques. Ainsi, lorsqu’un gouvernement décide d’éradiquer la construction de véhicules à moteur thermique au profit du seul véhicule électrique, il prend une position qui n’est pas celle du consommateur qui, lui, a confiance dans les progrès de cent ans de son véhicule essence ou diesel ! Mais cette orientation prise au nom du peuple européen, on l’a compris pour son « bien », suppose que tous les investissements réalisés en Europe chez les constructeurs et leurs sous-traitants, deviennent obsolètes, les compétences inutiles et donc des usines et les centaines de milliers de travailleurs à la casse.
Dès que les premières fonderies ont commencé à fermer on a entendu des cris d’orfraie chez tous les édiles politiques. Mais encore une fois, il n’y a rien là d’irrationnel : si on arrête les moteurs thermiques, les usines et le personnel disparaissent. Et la fameuse reconversion va nécessiter de nouvelles usines et de nouvelles compétences. Mais comme elles existent déjà en Asie on va chercher longtemps comment justifier économiquement leur retour en France ou en Europe. Certes, la proximité du marché pourra justifier la tâche d’ensemblier, la touche finale pour plaire au consommateur, mais sûrement pas les composants malgré tout ce qui est dit aujourd’hui. Il faudra donc un effort collectif colossal pour retrouver la position majeure de la France et de l’Europe dans un contexte nouveau choisi par l’échelon politique et non l’échelon industriel.
On pourrait égrener dans tous les secteurs cette propension des politiques à prendre au nom du peuple des positions émotives sur la chimie, la biologie, l’alimentation, les pollutions, sans jamais mesurer les conséquences industrielles. La dernière Loi sur l’anti-gaspillage et l’économie circulaire, la loi Climat et Résilience condamnent à court terme des industries et empêchent une réindustrialisation : les industriels le disent, le font savoir, mais on attend les fermetures d’usines et les friches industrielles pour se plaindre tandis que les textes ne permettent plus une installation rapide dans des lieux appropriés.
Il n’est donc pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Au bout de dix ans d’erreurs on redécouvre que le nucléaire est indispensable à notre survie économique collective, on s’aperçoit que les énergies intermittentes solaire et éolienne dérèglent nos réseaux électriques et font l’objet d’une importation massive de matériels préjudiciables à notre balance commerciale, on remarque que celle-ci est gravement déficitaire, même sur l’alimentation et ceci pour la première fois de l’existence de notre pays !
Avant de prendre une décision, quelle que soit sa justification, généreuse ou impérative, ayons la présence d’esprit de regarder ses conséquences industrielles. Nous la prendrons ensuite en connaissance de cause et personne ne sera surpris de ses effets.
A vouloir tout et son contraire guidé par la box populi emotionelle ou manipulée on perd confiance en soi dans les autres en demain
Pour parler pétrole…Ou comment le sabotage d’une mesure européenne par Elf Aquitaine puis Total a fait perdre 30 ans à l’action …
Un journal en ligne bien connu, dévoile des documents internes à Total qui démontrent comment le groupe pétrolier a torpillé dans les années 1990 une mesure climatique d’envergure : une taxe carbone pour mettre progressivement fin aux énergies fossiles et qui devait être étendue à l’échelle mondiale après le Sommet de Rio de juin 1992. Un sabotage qui, selon les experts, est synonyme aujourd’hui de 30 ans de retard face à l’urgence climatique.
Dès mars 1986, dans un rapport interne d’Elf (groupe qui fusionnera avec Total en 2000), le directeur environnement de la compagnie écrit que face aux velléités politiques de vouloir à l’avenir taxer les énergies fossiles, « l’industrie pétrolière devra se préparer à se défendre ». Dans cette optique, les firmes pétrolières ont créé, en 1989, une association européenne de l’industrie pétrolière – baptisée Europia – pour mener un front d’opposition à la future taxe carbone.
En 1992, le lobbying anti taxe carbone s’intensifie à l’approche du Sommet de la Terre de Rio, qui doit se dérouler en juin.
En février de cette année, Mr Ortoli, président d’honneur du groupe Total, est coopté à la tête du Conseil national du patronat français – CNPF, ancêtre du Medef. Dans la foulée, le syndicat patronal organise à Paris le 7 avril un colloque contre la taxe sur le CO2, qualifiée par les entreprises françaises d’« inique » et de « tout simplement suicidaire ». Fermer le ban…