Les annonces dans le cadre du projet France 2030 témoignent d’une belle performance de communication sur l’industrie exécutée par Emmanuel Macron, déjà en campagne électorale. Les raccourcis de constat et du diagnostic amènent néanmoins à des solutions dont l’impact pourrait décevoir.
Les applaudissements nourris du 12 Octobre saluent une belle performance de communication sur l’industrie exécutée par le Président de la République déjà en campagne électorale.
On peut, sans arrière pensée, saluer les avancées nombreuses qui ont émaillé un discours brillant et mobilisateur : la nécessité vitale de la réindustrialisation du pays, l’importance de l’innovation et de la recherche, la coopération industrielle nécessaire pour échapper au laminage de la sous-traitance nationale, la volonté de fonds propres pour la croissance des pépites françaises, le retour du nucléaire dans le cercle vertueux… et on a pu remarquer que beaucoup de responsables industriels n’avaient pas boudé leur plaisir en écoutant un discours disruptif insistant en outre sur la nécessité de prendre des risques, d’accepter les échecs, en enterrant pour l’industrie le sacro-saint principe de précaution.
On peut aussi apprécier l’analyse sous-jacente de l’industrie nationale par le prisme des mesures préconisées, il faut utiliser plus rapidement les nouvelles technologies, numérique, robotique, intelligence artificielle et s’engager résolument vers des ruptures techniques aptes à révolutionner l’industrie nationale et la recomposer. On a ainsi abandonné le concept de « start up nation » pour celui de pays s’appuyant sur les disruptions pour asseoir sa nouvelle prospérité. Il en ressort que le jugement porté sur le tissu industriel actuel est qu’il est vieux et peu perméable au progrès : « secouez-vous, nous avons changé d’époque » !
Sans vouloir doucher le plaisir de beaucoup d’entendre enfin des mots favorables à l’industrie et aux industriels, on peut revenir sur les raccourcis de constat et du diagnostic qui amènent à des solutions dont l’impact pourrait décevoir.
Le constat d’abord
-une industrie en constante diminution depuis trente ans ayant perdu à la fois activité et emplois , réduite à 50% de son passé récent et désormais dépassée par l’Allemagne, restée constante, et aussi l’Italie et depuis peu l’Espagne ! (pourcentage dans le PIB).
-une atmosphère éducative hostile à la production industrielle conduisant à une recherche de carrières en dehors et surtout à un déficit criant de techniciens nationaux dans l’ensemble du tissu industriel national (de l’ordre de 500 000 emplois recherchés et non pourvus). Il y a eu échec de l’apprentissage même si on a pris récemment des mesures qui auront peut-être des résultats dans dix ans !
– une expatriation de jeunes dirigeants industriels ne trouvant pas en France les métiers qu’ils désirent ou les capitaux nécessaires au développement des entreprises qu’ils ont créées.
-une délocalisation de toutes catégories d’entreprises soutenues par les pouvoirs publics.
-une difficulté à la croissance par manque de fonds propres et un recours exclusif à l’endettement qui conduit à la vente des entreprises à la première crise.
-une vente incessante de pépites françaises aux capitaux étrangers, petites, moyennes et grandes entreprises saisies par des fonds , en particulier des fonds de pension anglo-saxons ou souverains.
-une insuffisance de fabrication en France des matériels de modernisation , numérique, robots, automatisation ,machines , drones … conduisant à des importations massives.
En d’autres termes, on perd des entreprises, on perd des emplois et on perd nos résultats de recherche et nos innovations. A l’occasion du Covid on s’est aperçu que nous avions aussi perdu notre indépendance ou souveraineté et depuis la reprise la disponibilité des matériaux et composants mettant à l’arrêt certaines lignes de production !
Après devrait venir le diagnostic, c’est-à-dire, comment en est-on arrivés là ?
La réponse de la mauvaise gestion de la mondialisation avec un Etat-providence faisant payer trop d’impôts tandis que les charges sociales s’abattent sur les entreprises industrielles est dans toutes les têtes, mais comme personne n’imagine pouvoir changer les choses, dès le constat effectué, et souvent tronqué, on passe directement au médicament : la dépense publique et les subventions généreusement distribuées par le gouvernement pour se faire féliciter et réélire.
Le diagnostic intègre, bien sûr, les éléments précédents, mais cela ne suffit pas à expliquer le constat, c’est-à-dire la lente dérive d’un pays industriel vers un pays sous-développé !
-nous n’avons pas résolu le fléchage de l’épargne vers l’industrie, nous avons même fait le contraire (voir les formulaires AMF de mise en Bourse des entreprises : « vous risquez de tout perdre ! »
-notre industrie n’a plus aucun point de compétitivité, le dernier, le cout de l’énergie électrique, est en train de disparaitre avec le PPE (énergie électrique). Nos impôts sont plus forts, nous payons des impôts de production énormes, nous avons les 35 heures et les RTT, les avantages insensés des intérimaires… notre seul avantage est de conserver, encore, le crédit impôt-recherche raboté chaque année en période budgétaire !
-nous avons une administration largement anti-industrielle qui se sert des normes et règlements en création quotidienne permanente pour contraindre et pénaliser, en particulier sur l’environnement et le droit du travail. La plupart des délocalisations ont été voulues et orchestrées pour faire échapper notre pays à l’industrie sale ou bruyante !
-nous avons accepté un euro cher qui a favorisé nos partenaires allemands mais qui a massacré une grande partie de notre tissu industriel . Le couple franco-allemand n’a jamais existé que dans notre imagination.
-nous avons cherché à maintenir notre tissu industriel en appelant les capitaux étrangers à son secours, d’où beaucoup de déboires récents, nos meilleurs défenseurs seront toujours nationaux.
-nous avons maintenu notre système éducatif de plus en plus éloigné des sciences physiques, chimiques et biologiques mais surtout loin d’une image positive de l’industrie tandis que le bac général était dévalorisé avec un pourcentage de succès énorme et le bac professionnel méprisé. L’école est devenue aussi un apprentissage anti-industriel.
« Une hirondelle ne fait pas le printemps », ce diagnostic est simplifié. Les annonces du 12 Octobre peuvent impressionner mais vont vite apparaitre comme dérisoires, on ne soigne pas un mal aussi profond avec une boite de doliprane, il faut reprendre l’ouvrage en partant des réalités, une industrie malade de la multiplicité des obstacles érigés depuis trente ans pour qu’elle disparaisse de notre sol et qui a besoin d’abord et avant tout de respirer de nouveau, de redevenir compétitive, d’innover dans une ambiance positive, de proposer sans se heurter aux cerbères, de s’enthousiasmer sans recevoir des interdits. Si le fait de reconnaitre qu’elle existe et peut être utile au pays est incontestablement un élément positif, on est loin du compte, il faut aussi être aimés, considérés, rencontrer des fonctionnaires bienveillants, retrouver chez les uns et chez les autres le souci du bien commun, l’intérêt du pays.
Panorama complet des faiblesses auquel il faut ajouter la frilosité extrême des banques doublée d’une règlementation tatillonne qui anéantit toute velléité de prise de risque.
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