Négationnisme climatique : cette notion ne vous choque pas ?

Les campagnes électorales sont souvent l’objet de raccourcis, d’anathèmes, de joutes verbales, d’impolitesses, de quolibets, mais il arrive néanmoins que certains mots choquent, c’est ainsi que j’ai lu ,venant d’une écologiste politique convaincue ,l’injure suprême vis-à-vis de ses contradicteurs de « négationniste climatique ».
La dérive des mots a déjà conduit à généraliser le mot « génocide » pour des conflits interethniques, mais il me semblait que, depuis une quarantaine d’années, le négationnisme était réservé à la contestation du massacre des juifs par les nazis.
Que l’on se permette d’accoler « climatique » laisserait croire que ceux ou celles qui poseraient des questions sur le « réchauffement climatique » devraient bientôt être lynchés après un passage rapide à un nouveau tribunal de Nuremberg : c’est aller vite en besogne et c’est surtout se tromper de cibles.
Nier la mort atroce de six millions de juifs et de la volonté du pouvoir nazi d’éradiquer cette « race » est d’abord stupide, mais les responsables politiques ont souhaité en punir l’expression pour éviter des rassemblements susceptibles de vouloir recommencer. Le sujet traité est donc celui d’une observation impossible à contester qui peut donner lieu à l’émergence de sectes dangereuses.
En ce qui concerne le climat il ne s’agit pas d’observations comme « il pleut ou il neige aujourd’hui », ou « le soleil est plus chaud cet été » , « il manque d’eau pour les cultures » … ce sur quoi des instruments de mesure peuvent rapidement conduire à une évidence , mais à partir d’observations forcément parcellaires, de conclure à un dérèglement climatique ou un réchauffement de la planète dont la poursuite menacerait la poursuite de la vie humaine dans un grand nombre de régions. On passe donc de l’observation de phénomènes comme la fonte des glaciers (et bien d’autres, bien sur) , à l’interprétation de ces évidences . On rentre donc dans un processus scientifique qui peut conduire à des opinions différentes sans que les observations soient niées, ce qui serait avant tout stupide.
Les débats, car il y a débats, portent d’abord sur la généralisation du concept de réchauffement qui, en l’absence de capacités à mettre des capteurs de température partout, nécessite de théoriser l’existence d’une température moyenne de la terre. Ce premier concept ne va pas de soi, mais surtout peut conduire à différentes théories sans que l’observation (insuffisante par essence) ne puisse départager les scientifiques. Certains territoires constatent un réchauffement, d’autres une augmentation des sinistres causés par la nature, ils veulent à la fois comprendre et prévoir, autrefois on interrogeait les dieux , maintenant on questionne la science, et des scientifiques répondent.
C’est alors que les difficultés surviennent, alors que certains insistent sur les cycles naturels de la planète en remontant très loin dans le temps, d’autres veulent trouver des réponses sur une plus courte période, celle du début des observations précises, c’est-à-dire à partir d’environ 1880 . Pour répondre aux « consommateurs « de science, ils sont obligés à la fois de trouver des coupables et de prédire, ce qui les conduit à bâtir des modèles dont ils affirment la pertinence en multipliant les indices. La partie la plus intéressante de ces modèles est, bien évidemment, celle qui prédit des catastrophes et qui interroge la façon dont les humains se servent de la planète.
L’urgence climatique telle qu’elle est criée par les nouveaux prophètes est donc à la jonction de deux aspirations, celle de comprendre et de prévoir le futur de territoires qui évoluent et celle de la défense des milieux naturels dévastés par le gaspillage de la société dite de consommation. L’écologie politique est celle qui dénonce les dangers encourus par les humains sur une planète qui se déglingue et va se désintégrer, l’écologie c’est l’étude de la nature, de la vie, et la recherche d’une meilleure utilisation des ressources de la science et des techniques pour préserver ses ressources. Les premiers insistent sur les périls et manipulent la peur , les seconds veulent préserver pour les générations futures les trésors que la vie nous apporte .
Pour les premiers, le climat est devenu le grand cheval de bataille, avec un zeste de nucléaire, une pincée de glyphosate, une pale d’éolienne, ils plaident pour un ordre mondial du « bien », une éradication des mal pensants. C’est là que peut naitre la notion de « négationnisme climatique », c’est-à-dire l’anathème définitif sur ceux qui ne partagent leur opinion. Ils en appellent au consensus scientifique de milliers d’experts dont ils interprètent à leur façon les rapports et commentaires. Le consensus scientifique , c’est-à-dire un accord , peut se faire sur la pertinence d’une observation « les glaciers des Rocheuses au Canada fondent », mais jamais sur la théorie. Galilée est esseulé lorsque qu’il dit que la terre est ronde et tourne, il y a encore environ dix pour cents de français qui disent que la terre est plate alors que l’observation à partir de l’espace montrent des photos de sa rondeur. Mais la science a progressé à partir d’ hommes tout seuls qui énonçaient à partir d’une observation une théorie que tous les autres contestaient (prenons Pasteur par exemple). Il n’y a donc pas « consensus » sur le climat, pas plus sur le réchauffement que sur son caractère anthropique, pas plus que sur les prévisions de cataclysme, et il ne peut pas y en avoir car il suffirait d’un seul qui soit en désaccord pour qu’il ait une chance d’avoir raison comme Galilée hier et comme Einstein beaucoup plus tard sans oublier Léonard de Vinci. Nier l’évidence de l’observation de la rondeur de la terre est , je le répète, avant tout stupide, s’interroger sur le climat est légitime, la nature est complexe, la vie est une grande inconnue et la science n’apporte que des réponses parcellaires à un passé mystérieux et à un futur inconnu.
Pour les seconds, dont l’émergence a commencé dans les années 70, la multiplication des inventions et des utilisations de leurs résultats dans l’industrie ont conduit à une question essentielle « quelle terre laisserons-nous à nos enfants » . Le péril nucléaire de la guerre froide, la course aux armements, la consommation effrénée dans les pays développés , les pans entiers de la nature dévastés, les grands lacs américains pollués, les modifications des territoires dues à l’extraction des matières du sous-sol…ont fini par donner le tournis et ont conduit beaucoup de scientifiques à exhorter à une meilleure utilisation de nos ressources, à la fin des gaspillages, au recyclage des produits usagés, donc à une prise en compte de l’environnement par une discipline individuelle de citoyen du monde. C’est de cette prise de conscience que sont nées la plupart des grandes avancées des dernières années dans la prise en compte dans la vie quotidienne de notre responsabilité collective à bien utiliser ce que la nature peut nous apporter. Les conflits peuvent apparaitre à cet égard, puisque tout est affaire de compromis, il faut de l’énergie pour vivre, mais l’énergie suppose quelque part une modification de notre environnement, mais on perçoit partout désormais la nécessité impérieuse de ne pas faire n’importe quoi n’importe où et les jeunes perçoivent cette nécessité à travers le monde tout entier. Pour cela il n’est pas nécessaire d’alimenter des peurs et de lancer des anathèmes, il suffit d’aimer la vie et de vouloir la transmettre.
L’idée que l’on puisse , au nom de la science, lancer le concept de « négationniste climatique » m’apparait donc dramatique car c’est au contraire au nom de l’idéologie que l’on peut parler de cette façon . L’observation scientifique s’indigne du gaspillage et la science peut permettre de trouver des solutions pour la restreindre puis l’éradiquer, mais la science ne peut pas dire de quoi demain sera fait. Peut-être nos petits enfants auront trop chaud, peut-être auront-ils trop froid, nous n’en savons rien, mais leur bonheur viendra plus de la paix que de la guerre, plus de la bienveillance que de l’anathème.

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