L’énergie solaire est-elle assez exploitée ?
A cette question très générale il faut mesurer sa réponse. Tout d’abord l’énergie solaire est captée de deux façons, thermique pour le chauffage et photovoltaïque pour la génération d’électricité. La première utilisation est avant tout celle de circuits courts c’est-à-dire que le soleil chauffe de l’eau qui est « consommée » sur place. Pays par pays, région par région, en tenant compte des couts d’installation et de maintenance et des régulations à assurer avec d’autres sources d’énergie , on peut dire que l’on peut encore progresser en France comme ailleurs. L’utilisation des toits n’agresse personne et c’est donc une question d’investissement domestique ou de petit collectif.
La seconde utilisation est celle des cellules photovoltaïques et elle pose deux questions. La première est celle du bilan carbone de la fabrication, de l’installation et de la maintenance des panneaux livrés essentiellement aujourd’hui à partir de l’Asie et plus précisément de la Chine. Si l’on suit les calculs des scientifiques ce bilan carbone est catastrophique si l’énergie utilisée a comme origine le charbon, c’est-à-dire que la plupart des installations réalisées ont un effet négatif global sur les émissions de gaz à effet de serre.
Avant de se lancer dans une politique effrénée d’installation de panneaux solaires, il faut surement refaire le point sur la chaine entière. Mais il y a un deuxième point qui est celui de la méthode d’utilisation, individuelle ou collective en circuits courts ou centrales solaires gigantesques. Dans le premier cas on peut faire des calculs simples et on a une gestion de l’intermittence qui peut être facile avec des emprises au sol essentiellement en utilisant les toitures, dans le deuxième cas ce sont de véritables territoires qui sont utilisés en modifiant complètement les écosystèmes d’une part, mais aussi en faisant arriver, par intermittence une énergie considérable sur des réseaux électriques. Il y a donc deux interrogations fondamentales à avoir, la première voulons-nous « geler » les terrains ou les plans d’eau pour une utilisation énergétique , la seconde, pouvons-nous accueillir sur les réseaux une arrivée aussi massive et intermittente. La première est une préoccupation d’aménagement du territoire , et donc écologique, la seconde est technique et économique. Jusqu’à présent, comme pour l’énergie éolienne , les promoteurs ne se sont pas préoccupés des réponses à ces questions, ils se sont contentés de regarder la rentabilité des opérations et donc des subventions obtenues dans le cadre des investissements sur ces programmes. Désormais les expérimentations existent et on peut faire des bilans, forcément contrastés selon les latitudes, mais tant que le stockage de l’énergie sera cher, on voit bien que l’on a plus besoin, en général, d’électricité lorsque le soleil disparait et que le solaire électrique ne peut être qu’un appoint et non une base d’une politique électrique. En ce qui concerne la France, dans la mesure où nous importons l’essentiel du matériel et que notre densité de population est élevée la généralisation de centrales photovoltaïques ne s’impose pas, ce qui ne veut pas dire qu’il faut tout arrêter et oublier cette filière, mais il faut faire des progrès scientifiques, techniques et industriels, augmenter les rendements et donc les emprises au sol et surtout bâtir une industrie nationale comme nous avions commencé à le faire après le choc pétrolier à la fin des années soixante dix.
Les réseaux électriques évoluent-ils suffisamment face au réchauffement climatique ?
La question est reliée à la première, mais pas seulement, car le solaire ne sera qu’une petite partie du problème ainsi posé. Si l’on considère que le réchauffement climatique peut être combattu par les humains en menant une autre politique énergétique, le fait que la France , un des meilleurs élèves mondiaux pour la faiblesse des émissions de gaz à effet de serre, fasse encore un peu mieux dans les prochaines années n’aurait qu’un faible incidence sur la situation globale, nous sommes seulement, tous ensemble, qu’un petit pour cent du problème. Soyons donc modestes et observons toutefois que, grâce à notre électricité nucléaire, hydraulique et aux rendements de nos centrales thermiques nous sommes déjà très bons sur nos émissions de gaz à effet de serre. La volonté , de mon point de vue parfaitement idéologique, de remplacer les centrales nucléaires par des centrales éoliennes et solaires ne peut avoir qu’une incidence négative sur nos propres émissions de gaz à effet de serre. Mais de cette façon nous nous tirons deux balles dans le pied , celle de compromettre notre bilan carbone et celle de renchérir le prix de notre électricité, et ainsi de rabaisser encore plus notre compétitivité.
Le fait de faire entrer sur les réseaux électriques des énergies intermittentes est un handicap. Ce n’est pas que les réseaux sont anciens ou obsolètes, mal entretenus… c’est que pour obtenir une satisfaction des demandeurs d’électricité par définition instables selon leurs besoins, le réseau fonctionne bien si son alimentation est stable et prévisible. C’est pourquoi, à coté d’une base nucléaire qui fournit de l’ordre de 70% des besoins nationaux, des systèmes pilotables, hydrauliques et thermiques, ont été installés, conduisant les gestionnaires des réseaux à faire appel à eux en cas de besoin. Avoir une incertitude trop grande sur des sources intermittentes conduit à surinvestir dans des systèmes pilotables -au gaz actuellement- et à prendre des précautions couteuses pour protéger les réseaux existants. Tout ceci n’a pas empêché une partie de la Californie, très dépendante du solaire et de l’éolien, d’être plongée dans le noir cet été parce que temps chaud et ensoleillé était aussi sans vent et que les climatiseurs ont demandé plus que l’on pouvait produire. Si l’on augmente trop la dépendance à l’égard d’énergies intermittentes, une plus grande technicité des réseaux n’y pourra rien changer, il faudra installer en renfort de plus en plus de centrales à gaz pour éviter les délestages.
On considère désormais qu’une dépendance de 15% de sources intermittentes est gérable avec des soutiens locaux à certains réseaux, mais que dès que l’on dépasse ce seuil on se met en danger, non pas tout le temps, mais en cas situations climatiques intenses, froid ou chaleur, anticyclones sans vent avec ciel chargé… C’est le mix électrique qui permet le service universel garanti et abondant, c’est aussi le service au meilleur prix. Toute tentative de modifier cette idée de mélanger thermique, nucléaire, hydraulique
et autres formes d’énergie est génératrice de troubles prévisionnels. Les responsables politiques qui ont commis des erreurs ne seront plus en place lorsque les drames surviendront, mais tout nous montre que l’avancée systématique et idéologique vers un univers « énergies renouvelables » dans leur état scientifique, technique et industriel actuel nous jette dans le mur et nous venons d’en avoir une illustration avec l’aventure californienne de cet été. Les dépenses pharaoniques imaginées aujourd’hui pour les raccordements des éoliennes en mer sur les réseaux nationaux seront tout à fait inopérantes en cas de perturbations positives ou négatives des conditions météorologiques, tout cela n’a pas de sens et il serait temps de s’en apercevoir avant qu’il soit trop tard. On sera obligé de calibrer le réseau existant sur la charge maximale possible de ces installations en mer qui ne produiront effectivement qu’au maximum 25% de leur puissance installée ? Cela s’appelle jeter l’argent par les fenêtres. Il n’y a aucun besoin impératif de la sorte, les réseaux électriques sont parfaitement prévus pour une utilisation raisonnée des énergies renouvelables en privilégiant les circuits courts et les utilisations à priorité locale. C’est cela le sens de l’histoire pour notre pays et c’est parfaitement compatible avec notre potentiel actuel
et notre développement industriel national.
Peut-on repenser le réseau (dont une grande partie date de plusieurs décennies) ?
Ce n’est pas parce que notre réseau a été installé il y a longtemps qu’il faut le jeter aux orties. Il a été aussi renouvelé chaque année en tenant compte de l’offre et de la demande, ce qui sera encore le cas dans les années qui viennent. On peut dire qu’il est rénové partiellement chaque année au gré des besoins des uns et des autres et qu’il est de plus en plus interconnecté avec nos voisins. Il n’y a donc pas lieu de vouloir en assurer une modernisation brutale alors qu’il est modernisé de façon continue. Ce qui le perturbe aujourd’hui c’est le programme gouvernemental dit PPE qui prévoit la fermeture de centrales nucléaires en grand nombre et la multiplication de centrales d’énergies intermittentes. Ce programme est absurde et aucun réseau ne pourrait s’y adapter. On peut multiplier à prix d’or les raccordements de centrales intermittentes, augmenter aussi les centrales à gaz de secours, modifier le réseau pour lui faire accepter les suralimentations occasionnelles de grand vent ou de grand soleil, on n’échappera pas aux difficultés de l’intermittence, un réseau n’aime pas les pointes-les « embouteillages »- ni les ruptures de production ou de consommation, il n’est pas fait pour cela, c’est pourquoi les électriciens ont toujours privilégié la production d’une « base » et d’un instrument d’appoint » pilotable ». Cela dérange les idéologues que la planète impose aussi ses lois.
Cher Monsieur,
En accord total sur cette analyse je voudrais toutefois attiré votre attention sur le rôle que joue la finance internationale dans les investissements vers les énergies renouvelables. Car friande des reports massifs d’investissement puisqu’elle se rémunère de volume (et de fréquences) des flux financiers qu’elle gère, après avoir été refroidie dans son élan d’une extension de l’économie virtuelle par la titrisation suite à l’explosion de la bulle en 2008, la voici tout naturellement très intéressée par réinvestir l’économie réelle via cette « transition » énergétique🤷♂️ Avec le travers de ces financiers croyant possible de tout acheter, même les limites physiques, le « pilote allemand » qu’elle a soutenu aura suffit à mettre en évidence que ces limites physiques risquent de dévoiler le prétexte écologique dans cette affaire de dépense publique (inconsidérée). Elle est pourtant décidée à ne pas faire marche arrière, misant désormais plus à fond sur l’hydrogène (comme s’il ne présentera pas non plus de limites physique. Tout cet espoir est entrain de faire passer les choses au delà du stade pilote et bientôt c’est l’impact dynamique de la démographie qui prouvera qu’on ne peut pas transiter sans s’occuper en même temps de revenir à des niveaux de population plus soutenables propice à donner une limite à l’incroyable dilatation de la classe moyenne mondiale qui fait l’évolution de la demande. Et le plus cocasse c’est que la finance internationale a précisément une formidable opportunité de provoquer un report massif d’investissement sur ce sujet : un plan Marshall de nouvelle génération que nous proposons de financer par une TVA societale à visée sociale pour réduire l’écart Nord-Sud, accompagner le développement en flexicroissance rendue plus profitable afin d’entretenir une croissance mieux répartie et de l’inscrire dans une perspective où nous n’attendons plus après un dividende démographique moribond pour la soutenir. C’est pourquoi le tandem GIED/GIEC que je propose avec l’appui de scientifiques comme Fernando Leal Calderon et d’économistes n’est qu’une étape pour ouvrir les yeux sur notre négligence à l’égard de la démographie, aveuglée par la seule préoccupation technique qui nous « omnibullillusionne » d’être immédiatement plus juteuse.
Grand bien à vous!
Alexandre Callens,
Président de Destination Ecolonomie Durable