Tandis que l’hôpital se mourait à coups de contrôles tatillons pour quelques milliers d’euro, la France se réveille avec de l’argent plein les poches prête à déverser des milliards dans les « domaines d’avenir » définis par un mélange de médias, de politiques et de quelques professionnels, et parmi ceux-ci l’increvable hydrogène dont on prédit l’avènement depuis presque 200 ans.
L’hydrogène, un composant de l’eau, H2O, est, en conséquence, un des éléments les plus répandus avec son copain l’oxygène. Il est léger et sa combustion par l’oxygène produit de l’eau et de la chaleur. La combustion électrochimique, avec comme électrolyte un polymère, produit directement de l’électricité. Les dispositifs sont appelés des « piles à combustible », ils sont connus depuis des dizaines d’années, mais les progrès de la science et de la technique ont permis de mieux les domestiquer, et on a tendance aujourd’hui à considérer que ce sont les piles à hydrogène qui seront les meilleurs vecteurs de l’utilisation de l’hydrogène, et non les moteurs thermiques.
D’où peut venir l’hydrogène ? Bien sur on pense à l’électrolyse de l’eau qui va dégager avec un courant électrique d’un coté de l’hydrogène, et de l’autre coté de l’oxygène. Pour cela il faut disposer de sources d’électricité abondante et bon marché. Mais depuis l’apparition du pétrole et du gaz, les raffineries ou les vapocraqueurs proposent un hydrogène à un très bon prix, c’est donc cet hydrogène qui est utilisé lorsque l’on souhaite privilégier cette solution comme on l’expérimente avec les trains pour remplacer le gazole ou les taxis parisiens. Le fait d’avoir comme émission de la vapeur d’eau en fait une source d’énergie non polluante.
Pourquoi l’hydrogène ne s’est pas imposé depuis 200 ans ? Parce qu’il présente des risques d’explosion, qu’il nécessite une approche précautionneuse et que les réservoirs sous pression sont lourds. Pour les voitures individuelles ce sont les dérivés liquides du pétrole qui ont gagné la bataille des possibles, essence ou gazole, laissant à des flottes spécialisées les gaz sous pression, GPL ou GNL et marginalisant l’hydrogène. Nos pères ont choisi le plus pratique, le moins dangereux, et nous avons connu les pompes à essence et les stations-services ! De toute façon le moins cher étant le dérivé pétrolier ou gazier, l’hydrogène d’électrolyse étant deux à trois fois plus cher, la solution retenue va de soi.
En 1973 lors des chocs pétroliers, lorsque l’on ne sait plus si le pétrole va arriver en Occident et à quel prix, on repense à l’hydrogène d’électrolyse, on est en plein développement nucléaire pour gagner en autonomie définitive pour la production électrique , alors pourquoi ne pas faire une ou deux centrales supplémentaires pour réaliser l’électrolyse de l’eau et prendre l’hydrogène comme combustible automobile ? La découverte de champs en Mer du Nord et la dislocation du bloc moyen-oriental a raison de toutes les études , l’hydrogène issu des sources fossiles reste le moins cher, on ferme rapidement le dossier hydrogène.
Les prix n’ont pas changé, les techniques se sont affranchies du modèle de combustion thermique et la pile à combustible apparait comme une alternative. En ce qui concerne la pollution des villes qui attire vers le véhicule électrique dans les conurbations on peut donc préférer le véhicule à hydrogène.
L’écologie politique entre alors en scène , celle qui s’abstient des réalités scientifiques, techniques et industrielles en ne distinguant que le bien et le mal. Les fossiles et le nucléaire c’est le mal, l’éolien et le solaire c’est le bien. Qu’importe le bilan carbone global des alternatives aux énergies utilisant le vent et le soleil, c’est gratuit, c’est propre, c’est vert. Extraction, traitement des matériaux, construction, maintenance, provenance industrielle, démantèlement… billevesées, on vous dit que c’est vert, propre et gratuit, il faut changer de monde. C’est l’Allemagne qui prend le premier coup de fouet, il faut restreindre puis arrêter le nucléaire et installer partout éoliennes et panneaux solaires… tout en conservant les centrales électriques à lignite ou charbon…temporairement. Entre temps pour sauver l’agriculture on finance des méthaniseurs et on introduit dans le gaz fossile du gaz « vert » hors de prix mais tout le monde est content ! Mais le développement trop important de l’énergie éolienne intermittente conduit, lors des poussées de vent, à disposer de trop d’énergie électrique sur les réseaux allemands, ils essaient de le vendre chez leurs voisins, mais ceux-ci ont le même vent et n’en ont pas besoin, les allemands doivent donc payer les réseaux français pour qu’ils acceptent leur énergie éolienne surabondante. L’idée allemande qui en fait le leader hydrogène du moment est d’utiliser cette énergie éolienne intermittente surabondante pour réaliser l’électrolyse de l’eau, on peut dire que, du point de vue économique c’est une énergie électrique gratuite puisqu’elle est rarement vendue. Les Allemands ont déjà « acheté » leurs éoliennes, ils essaient donc d’optimiser. Le plan Hydrogène allemand n’est donc pas un plan d’avenir de l’humanité mais une façon de récupérer un peu de flexibilité après avoir commis l’erreur d’un développement trop important des énergies intermittentes.
Pour nous, Français, si nous maintenons notre programme nucléaire nous n’avons aucun intérêt à jeter par la fenêtre des milliards sur un programme hydrogène, il faut maintenir notre compétence sur le nucléaire qui revient en force dans tous les programmes énergétiques mondiaux, y compris ceux du GIEC qui nous parlent de l’évolution climatique. Que le groupe Air Liquide veuille travailler à une alternative dans les villes au véhicule électrique, que la SNCF ou la RATP aient envie d’utiliser l’hydrogène, pourquoi pas ? Mais lorsque l’on lance l’avion à hydrogène et que tout le monde s’y accroche, on commence à dérailler. On cherche à diminuer le poids de tout ce qui vole et les réservoirs sous pression sont possibles à transporter… en restreignant le nombre de passagers.
Il n’y a pas d’hydrogène « vert »il faut vérifier le bilan carbone de l’ensemble des filières avant de qualifier de vertueux telle ou telle provenance. Pour « déplacer » un combustible il faut étudier toutes les dimensions, sécurité, pratique d’utilisation, poids, encombrement, coûts et durées de la cohabitation. Nous, en France, nous avons l’énergie nucléaire, cela nous donne une énergie abondante et bon marché qui n’a pas besoin de l’électrolyse de l’eau pour entrer dans des véhicules urbains. Nos sociétés ont décidé de relever le gant de la production de batteries électriques pour éviter leur achat aux pays d’Asie, soutenons les si nécessaire, mais elles peuvent aussi le faire toutes seules puisque c’est leur intérêt !
Le programme hydrogène à 7 milliards serait d’avenir si l’on commettait les mêmes bêtises que les allemands. La réalité s’imposera très vite désormais, l’écologie politique va laisser la place à l’écologie tout court, celle qui n’est pas aveuglée, celle qui n’est pas dans le déni de réalité, les éoliennes ne seront jamais qu’une partie du mix énergétique mondial, leur coût, leur intermittence, et leurs contraintes d’utilisation et de démantèlement les condamnent à la marginalisation. Mais pour la France inutile de poursuivre les programmes engagés, car ce serait encore une fois jeter l’argent par les fenêtres !
Moi je veux bien, mais nous sommes confrontés à plusieurs problèmes autres ceux mentionnés dans votre article qui sont pourtant réels.
– Tout miser sur le nucléaire « classique » n’aura qu’un temps.
Au rythme actuel de consommation du combustible U235, il y a au maximum 50 ans de réserves au niveau mondial.
Or la consommation s’accélère. Ainsi la Chine prévoit de construire 100 à 150 dans les 10 à 20 ans à venir.
Donc sur le nucléaire « classique » à base d’U235, on va être vite bloqué. C’est à se demander si cela vaut encore le coup (coût ?) de construire de nouvelles centrales dont l’espérance de vie théorique est de 40 ans.
– Produire de l’hydrogène est un non-sens climatique.
L’énergie dégagée par 1 litre d’essence / de gasoil / de kérosène nécessite environ 10% de cette énergie pour l’extraction, le raffinage et le transport au point de distribution. Moins pour le gaz et le charbon qui nécessitent moins de transformation. Et ce 10% se répartit en énergie mécanique à 25% et en chaleur à 75%. Soit 7,5% de production de chaleur.
L’énergie dégagée pour un 1 m3 d’hydrogène via l’électrolyse vert nécessite environ 43% de cette énergie pour sa production, sans tenir compte du transport au point de distribution (le ratio est 70% d’énergie produite + 30 % d’énergie consommée et 30/%/70%=43%). Et ce 43% se répartit aussi essentiellement en chaleur.
Soit de l’ordre 32% de production de chaleur.
Notre problème s’appelle le réchauffement climatique, dont une partie est créée par les bulles de chaleur, en particulier dans les zones urbaines où le différentiel de température par rapport aux campagnes avoisinantes est déjà de 4°C en moyenne et 10°C en pointe.
Déjà nos centrales nucléaires produisent localement un surcroît de réchauffement évalué à 0,5°C.
Mais avec la production d’hydrogène en masse dégageant 32%/7,5%=4,3 fois plus de chaleur que l’activité classique, cela ne va vraiment pas arranger les choses.
Même les piles à combustible ne sont pas une solution.
je ne partage pas une grande partie des données que vous avancez .
Mais sujet essentiel , les réacteurs à neutrons rapides abandonnés par la France (Super Phénix, Astrid) mais poursuivis ailleurs (USA, Russie , Chine) permettront d’utiliser les déchets, le plutonium …Le nucléaire est , au contraire, notre avenir
pour le reste le problème n’est pas la chaleur mais les émissions de gaz à effet de serre
bien à vous llfp
D’accord avec vous pour Astrid et Iter+Demo. C’est effectivement le bon choix. Et c’est un non-sens d’avoir abandonné Astrid.
Et notre coalition à Cadarache avance à la vitesse de l’escargot. C’est pour cela que les Chinois font en parallèle cavaliers seuls et devraient (devaient ?) tester un prototype de type Iter en 2020. Bref, ils vont nous griller.
Mais Astrid ou Iter+Demo ce n’est pas le nucléaire « classique » à fission à l’uranium U235. Ce que nous faisons aujourd’hui et qui n’aura qu’un temps relativement court. Il ne faudrait plus construire de centrales nucléaires à l’uranium U235 en toute logique au regard du volume d’uranium encore disponible. Mais déjà même cela, nous ne savons plus le faire. Alors pour Demo, tout juste en rêve.
Quant à l’effet de serre dû au CO2 :
– Il se produit uniquement pour la Terre autour de la longueur d’onde de 14,98 micro-mètre ;
– Donc il se produit à 97% dans l’intervalle de température de -82°C et -76°C, sachant l’amplitude des températures usuelles de la Terre est de -58°C à 46°C ;
– Ne concerne qu’une couche d’air touchant le sol épaisse d’environ 100 m en 1880 à 285 ppm et 60 m en 2019 à 413 ppm. Parce qu’au delà il y a absorption du rayonnement terrestre au milliardième près (soit 100%).
– A toujours été saturé depuis des millions d’années et ne peut se renforcer parce qu’à l’intervalle de températures où il se déclenche, la hauteur de la troposphère est au moins de 6 000 m, qui est nettement supérieur à 60 m ou 100 m.
Tout cela on le sait depuis longtemps. Merci au porteur du projet HITRAN dont le physicien en chef Larry ROTHMAN (2006). Merci au physicien Robert ROHDE pour la vulgarisation graphique des résultats de HITRAN (2007). Merci au biologiste et physicien Nasif NAHLE pour l’estimation de l’épaisseur d’air affectée par l’effet de serre (2010).
Bonne soirée.
Une solution peut-être de jean pierre Petit.
Le mur du silence en bande dessinée.
expliquez vous !
amitiés
llfp
Avec le réchauffement climatique, la fonte des glaciers, les sécheresses à répétition comment assurer le refroidissement des centrales nucléaires sans eau ?
c’est une hypothèse qui a été avancée mais qui est difficile à tenir , nous en sommes très loin
Je pense aussi que le nucléaire c’est l ‘avenir. Personnellement j’attends beaucoups des technologies MSR (réacteurs à sels fondus ) qui résoudraient partiellement notre dépendance à l’U235 ainsi que la question des déchets ultimes .
il faut vraiment s’y mettre mais aussi revenir sur l’abandon d’Astrid -neutrons rapides-
Ce sont les chercheurs et ingénieurs qui pendant 6 ans ont travaillé sur ASTRID qui ont jeté l’éponge. Le projet se divisait en 3 périodes de 2 ans chacune. Un budget de 200 millions d’euros était alloué pour chaque période de 2 ans. Au bout de 2ans, les crédits pour les 2 ans à venir n’étaient pas automatiquement versés. Le CEA devait fournir un rapport d’activité qui justifiait la poursuite de l’étude. Le projet a donc été poursuivit après chaque période de 2 ans. Pourquoi alors qu’on arrivait au bout des 6 ans, on s’aperçoit que ça ne marchera pas ? Des chercheurs, des ingénieurs, ont été payés pendant 6 ans pour aucun résultat.
ce que vous dites est inexact de mon point de vue , c’est aussi celui de Monsieur Bréchet qui s’est élevé contre l’arrêt du projet
En France aussi nous avons une surproduction d’électricité non utilisée, c’est celle produite la nuit par nos centrales nucléaires. Nous ne savons pas la stocker, elle est perdue. Alors pourquoi ne pas en profiter pour l’utiliser ?
le surplus ne vient pas de là, mais des éoliennes intermittentes. Il vaut mieux utiliser l’énergie électrique directement plutôt que que de passer par l’hydrogène pour fournir de l’électricité, le rendement des transformations successives est désastreux …
Globalement d’accord… mais est ce vrai pour les transports ? Transporter 1 litre d’hydrogène produit par électrolyse d’une centrale nucléaire c’est globalement moins polluant et moins consommateur de ressources que de fabriquer des batteries Lithium Ion a la durée de vie limitée, non ?
oui mais faire de l’électricité pour faire de l’hydrogène qui fait de l’électricité … en rendement ce n’est pas terrible ! Il vaut mieux étudier des batteries qui utilisent moins de matériaux difficiles à extraire …