Le véhicule électrique , un suicide industriel ?

L’industrie automobile a pris une telle importance dans le monde que tout ce qui la touche peut modifier de façon profonde la vie de millions d’hommes et de femmes qui la fabriquent, la vendent, l’entretiennent, la réparent et l’utilisent. Changer les règles, les normes, favoriser un équipement, ont des répercussions sur la société souvent mal appréciées par ceux qui veulent orienter les productions pour satisfaire les consommateurs finaux avec de bonnes intentions qui sont autant d’illusions.
Après bien des hésitations et l’expérimentation de solutions alternatives, le véhicule automobile a choisi comme mode de propulsion le moteur thermique à essence ou à gazole . L’ensemble des infrastructures à donc été adapté à ce choix, la voiture est devenue reine à travers le monde, modifiant tout sur son passage, en particulier la répartition dans l’espace des lieux d’habitation, de travail, et de consommation. La voiture individuelle a structuré les villes et les campagnes pendant les dernières décennies comme le train l’avait fait auparavant. La voiture à moteur thermique est ainsi devenue, non pas seulement un moyen de transport, mais surtout un instrument de liberté individuelle, la capacité d’un choix instantané de déplacement et donc une sorte de seconde peau. Dans la plupart des pays, le combustible est taxé, la station service devenant ainsi un instrument essentiel du prélèvement de l’impôt .
Après avoir supprimé les tramways dans beaucoup de villes et avoir donné la priorité à l’individualisme routier , les aménageurs de la vie collective ont décrié cette évolution des agglomérations , ont préconisé un retour aux transports de masse et ont accéléré le grand retour des trains et des autobus pour désengorger les chaussées et retrouver la fluidité d’antan. Les accidents de la route et les incivilités, variables selon les latitudes, ont poussé la promulgation de règlements pesant à la fois sur les fabricants et les utilisateurs essentiellement au départ pour diminuer le nombre de morts sur les routes et limiter les encombrements .
Depuis une vingtaine d’années c’est la pollution des villes et la qualité de l’air qui y est respiré qui sont devenues une priorité. Après avoir fait déménager la plus grande partie des installations industrielles, les responsables des collectivités ont attaqué la circulation urbaine et tenté de réduire le nombre de véhicules individuels dans les zones à forte densité avec surtout l’arme de la coercition financière. Cela coute de plus en plus cher de circuler avec un véhicule individuel en ville tandis que sont interdites des zones devenues piétonnières. Le véhicule personnel est « parqué »et c’est payant. A New York, à Londres, dans les grandes métropoles, circuler est devenu payant , dissuasif , tandis que l’on favorise le monopole des taxis ou compagnies de voitures avec chauffeurs . La pollution ne diminue guère, mais les encombrements se réduisent, la fluidité s’améliore tandis que les centres villes sont réservés aux plus fortunés.
Les Chinois, confrontés au même problème partent dans une autre direction, celle du véhicule électrique. Etouffés par leurs centrales à charbon dans leurs conurbations, ils les délocalisent , s’engagent dans un programme nucléaire et misent sur l’électricité. Ils commencent par les flottes de véhicules , puis encouragent le remplacement du thermique par la batterie dans les véhicules individuels. C’est une politique raisonnée, ambitieuse, et volontariste dans un pays où l’obéissance est prisée. On déplace ainsi la pollution des villes vers les champs, et on ordonne aux habitants des conurbations de préférer le mode de propulsion électrique . Les grands constructeurs asiatiques, Toyota et Nissan , se lancent dans le véhicule électrique, et surtout la fabrication de batteries plus performantes que les antiques batteries au plomb, mais ils s’aperçoivent vite que le marché est essentiellement chinois et que cela va conduire à un quasi-monopole des batteries chinoises bon marché. Par exemple ENCO la filiale de NEC et Nissan, est vendue aux chinois tandis que les sociétés japonaises continuent à commercialiser des véhicules électriques mollement , en particulier la LEAF de Nissan tandis qu’ils appuient plus sur les modèles hybrides qui ne modifient pas l’infrastructure de l’alimentation des véhicules .
C’est une mauvaise lecture du débat sur le réchauffement climatique ou du dérèglement climatique qui va déclencher un renversement des politiques publiques vers le véhicule électrique. On confond désormais lutte contre la pollution dans les villes avec combat contre les gaz à effet de serre et donc protection de la planète jusque dans le titre des responsables de l’environnement dans les collectivités. Les politiciens et les commentateurs confondent les deux notions, et donc les consommateurs de véhicules thermiques finissent par comprendre qu’ils sont de mauvais citoyens du monde s’ils n’acceptent pas de se mettre à l’électrique . Et pourtant !
Pour l’industrie européenne, et en particulier pour la France ce matraquage est un suicide collectif, ceux qui s’y engagent , Commission Européenne, Parlement Européen, élus nationaux, sont à la fois acteurs et victimes d’une grande mystification . Les 13 millions d’hommes et de femmes engagés dans l’industrie automobile sur notre continent ne méritent pas les drames que cette transformation va provoquer, les couts induits dans tous les pays seront insuortables pour les économies.
Tout d’abord il n’y a aucun fondement scientifique à l’idée que le bilan carbone est favorable au véhicule électrique , c’est plus compliqué que ça . On ne sauve pas la planète avec un mode de propulsion, le moteur thermique a encore de belles années devant lui , que ce soit essence ou gazole . Par contre il est clair que dans les agglomérations denses où l’on doit diminuer la pollution il faut trouver des solutions aux déplacements individuels , soit en généralisant la propulsion électrique, en particulier pour tous les véhicules de services, soit en favorisant des véhicules thermiques spéciaux – un litre au cent km , vitesse maximale 70 km/heure-. Lutter contre la pollution urbaine ne conduit pas à une solution unique appliquée par un pouvoir dictatorial.
Quand on aura reconnu , et c’est assez facile, que le bilan carbone des véhicules ne dépend que très marginalement du choix du mode de propulsion, il faut se pencher sur l’aspect industriel de la production de véhicules et ses répercussions sur la société en général .
Notre production automobile est en progrès constant en termes de prix, de poids, de consommation de carburant , de performances sécuritaires…Pour les besoins des consommateurs du monde entier c’est la filière européenne (et japonaise) qui a inondé le marché. La fabrication de nouvelles normes pour les constructeurs, les incitations à se ger derrière le véhicule électrique , les enthousiasmes délirants à l’égard des vélos et des trottinettes électriques, nous envoient collectivement dans le mur, notre industrie n’a pas été préparée à ce changement, nos infrastructures non plus , et notre fiscalité encore moins .
C’est la batterie au plomb qui a fait les beaux jours du démarrage des automobiles, elle n’était pas adaptée à devenir celle d’un véhicule électrique, même si elle a été utilisée comme telle de façon limitée pendant des années . La recherche a choisi le lithium, premier de la classification des métaux, le moins lourd et le plus réactif , pour espérer un rendement meilleur. Ce sont les asiatiques , pour les raisons que j’ai invoquées, qui ont pris le monopole de la fabrication, ils sont devenus les maitres du lithium, mais aussi du cobalt , indispensable pour la filière, acheté à Dubai à partir du Rwanda après la confiscation par ce dernier des gisements de la République Démocratique du Congo(KIVU). Il est trop tard pour la première génération de ces batteries, les européens en ont pour dix ans avant de pouvoir revenir sur le monopole chinois. Or la batterie c’est 40% du prix du véhicule électrique. Pousser les constructeurs européens en ce sens, c’est créer des richesses en Chine et faire disparaitre des pans entiers de l’industrie européenne (France-Allemagne) . C’est déraisonnable et sans impact sur le climat , c’est donc suicidaire .
Par ailleurs notre infrastructure de recharge n’est pas prête, pas plus que notre politique de l’énergie qui continue à être en divergence européenne. Nous ne pouvons envisager d’alimenter en sécurité un afflux de véhicules électriques que dans les métropoles et pour des flottes spécialisées. C’est donc là que doit se situer le point de départ d’une stratégie de lutte contre la pollution et non dans un déluge de subventions pour l’industrie chinoise avec des punitions pour les mauvais citoyens français désobéissants .

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