L’industrie est en transition permanente, les techniques sont en évolution continue et les désirs des clients aussi. Il n’y a donc jamais de long fleuve tranquille dans l’activité de production, les modifications dans les process de fabrication et les produits sont le quotidien des chefs d’entreprises qui ne peuvent jamais se satisfaire du présent et doivent, au contraire, préparer l’avenir.
Lorsque le futur est défini par les progrès scientifiques et techniques et les nouvelles exigences de la clientèle, il faut être visionnaire et s’entourer de bons techniciens et commerçants. Lorsque la géopolitique vient culbuter les tendances, on rajoute une gerbe d’incertitudes, c’est la vie ! Mais la plupart des difficultés d’aujourd’hui proviennent de décisions plus ou moins rationnelles des pouvoirs publics. Après la prolifération des normes et règlements qui ont déstabilisé la production, on en est venu désormais aux anathèmes techniques. Une chose est de dire : » tel produit est dangereux et son usage doit être encadré, limité ou interdit », une autre est d’interdire dans un horizon temporel défini une solution scientifique, technique ou industrielle à un problème sans avoir préparé l’alternative. Ces diktats émanant souvent de minorités agissantes viennent gravement perturber l’investissement industriel et favorisent la rapidité de la désindustrialisation du pays. Le personnel politique, qui a voté en son temps pour les interdictions et condamnations célébrées par la presse et les sondages d’opinion, se retrouve quelques années après à pleurer sur le terrain avec les salariés se préparant aux fermetures et aux licenciements, en profitant, au passage, pour s’indigner de l’impéritie des dirigeants des entreprises.
On trouve des exemples tous les jours, pas un secteur industriel n’est épargné, mais nous allons connaitre un tel déferlement de sinistres dans le secteur automobile que cela peut servir d’exemple pour faire avancer la réflexion.
Le passage du cheval à l’automobile est récent pour l’humanité, mais désormais plus personne de vivant n’imagine la disparition de ce mode de transport. Parmi les choix de propulsion des origines, c’est le moteur thermique qui a gagné, avec comme combustible les produits de raffineries de pétrole, essence ou diesel. Après avoir célébré les bienfaits de ces véhicules sont venus, avec leur généralisation, les inconvénients, les accidents, les encombrements, les pollutions, on a donc règlementé et fait converger la production sur des véhicules plus sobres, plus surs, plus propres, et l’arrivée de l’électronique et de l’informatique a transformé la saisie des données et les aides à la conduite. Ces automobiles ont également modelé les modes de vie et l’occupation de l’espace. L’industrie des véhicules, foisonnante au départ, a fini par se concentrer par pays d’abord, puis mondialement, et les sous-traitants fournisseurs de tous les ensembliers se sont multipliés, de rang un en prise directe ou de rang deux ou trois. L’industrie automobile a donc aussi structuré la production industrielle avec un grand nombre de composants pouvant identifier un véhicule ou, au contraire être utilisés par tous. La caractéristique essentielle de cette industrie, bien illustrée par les fameux salons de présentation au public c’est que le consommateur est attiré par les nouveaux modèles qui lui sont proposés avec des formes alléchantes et des technologies dernier cri. Les marges des véhicules neufs sont tendues, celles des maintenances plus confortables et les véhicules chers sont proposés avec des « options », elles, rémunératrices. Le choix vers le haut de gamme a été effectué par certains constructeurs alors que d’autres s’empêtraient dans le bas de gamme en maltraitant leurs sous-traitants. Travailler pour l’automobile n’est pas de tout repos et les investissements à réaliser ont un temps de mise en œuvre long et un temps d’amortissement important, les changements précoces (échecs des modèles par exemple) ont comme conséquences une chute de la rentabilité et une fragilité immédiate. La vision qui va conduire au succès et à l’échec doit inclure depuis quelques années la poussée de tous ceux qui haïssent l’automobile à moteur thermique. Les constructeurs français d’abord et européens ensuite ont vu disparaitre la possibilité de se retourner, de produire avec les investissements déjà réalisés, car il fallait satisfaire le rouleau compresseur d’un changement décidé hélas non demandé et peu apprécié par les clients finaux mais réclamé par le personnel politique au nom d’abord des pollutions et de la santé dans les villes avec le relais pris par le sauvetage du climat.
D’une situation classique de modification des gouts de la clientèle soumise à l’évolution des modes de vie et de l’occupation de l’espace, on en vient à la casse de l’outil existant au profit d’un objet défini comme celui de l’avenir sans que l’on puisse s’en assurer rationnellement. C’est là que nous en sommes en France et en Europe aujourd’hui et le bateau automobile fait eau tandis que les industriels écopent en se faisant morigéner par les médias et le personnel politique parce qu’ils ne vont pas assez vite vers le progrès. « Le véhicule électrique va se généraliser, il est propre, écologique, vertueux … vous ne vous êtes pas préparés et vous n’allez pas assez vite » . Ou encore » Elon Musk avec Tesla , lui il a tout compris « . Dans l’industrie on compte sept ans en moyenne pour amortir et rentabiliser un investissement. Avant de tout jeter à la poubelle, mesdames et messieurs les censeurs, dans quelle humeur étiez-vous il y a sept ans et que serez vous en 2018 …ou 2020 ? En attendant, votre précipitation conduit des secteurs entiers dans le décor sans qu’ils soient assurés de la pérennité de vos humeurs. La politique actuelle, punitive et émotionnelle, ne donne aucune assurance que les investissements souhaités s’avèrent rentables, et que l’avenir imaginé soit le futur réel.
Le combat contre le pétrole a débuté sur la pollution du diesel, suivi de celle du moteur à essence et ensuite c’est le sujet « climat » qui a été utilisé pour éradiquer les énergies fossiles. Comme 85% de l’énergie utilisée dans le monde est d’origine fossile et que la quasi-intégralité des automobiles est à hydrocarbures, on mesure bien que la transformation sera longue et que, rationnellement, les investissements seront obsolètes lors de leur arrêt définitif. La notion d’urgence et de fin du monde alors véhiculée vient bousculer les choses et les illuminés en viennent à vouloir que dans certains pays, le notre en priorité, on montre l’exemple immédiatement pour sauver la planète.
Lorsque le jeune Ministre de l’Economie vient à Rodez en Aout 2016 il visite l’usine Bosch où travaillent plus de 1700 personnes pour se satisfaire de la mise en route d’un investissement décidé en 2013 sur des injecteurs diesel à destination majoritairement de Renault. A la surprise générale il revient en Président de la République en Octobre 2019 pour lancer le dialogue sur les retraites avec une Assemblée de 500 personnes. A côté de la salle le même nombre de manifestants demandent que l’on sauve Bosch, poumon industriel de Rodez, alimentant toutes les activités de l’économie de la ville ! Pas un mot alors, ou presque, sur le diesel …et en 2021 une bataille acharnée contre le mauvais élève Bosch, « impréparé », va permettre de conserver 500 personnes à horizon 2025 ! Personne n’a vu venir un cataclysme décidé par « l’urgence » climatique. Réjouissez-vous, le diesel se vendra ailleurs qu’en France, avec des véhicules Renault fabriqués et distribués à partir de la Turquie, et les injecteurs ont une usine Bosch à coté de Renault, à Bursa. Bien sur si la construction des voitures thermiques en France est interdite, les usines correspondantes fermeront, mais est-on bien sur qu’elles ne viendront pas dans notre pays, et pendant combien de temps les anciens véhicules vont-ils circuler, dix, vingt, trente ans…Où était l’urgence ? Et est-on bien sur que la voiture électrique est meilleure pour le climat ? Qui l’a décidé et quelle voiture électrique ? La grosse Tesla est meilleure pour le climat que la Clio diesel ? C’est à démontrer ! Et pour ce résultat il fallait si vite et sans précautions éradiquer tous les Rodez de France, les fonderies comme à Caudan en Bretagne, les usines de sous-traitants partout sur le territoire ? Certes on vend des mouchoirs pour les défilés de protestation, mais la réalité c’est que nous nous sommes tirés une balle dans le pied. Car nous n’étions pas prêts à fabriquer les batteries qui viennent toutes d’Asie, et notre politique crée de l’emploi dans cette région du monde … pas à Rodez ou à Caudan.
La réactivité de l’industrie au progrès technique et aux changements en général est liée à la nécessité d’investir et de rentabiliser les investissements précédents. Cela ne marche pas toujours et nous connaissons tous des sinistres, ils sont dans la nature des choses. Les catastrophes industrielles liées aux humeurs du moment et de la politique politicienne sont d’une autre nature et c’est aux politiques et aux commentateurs de résister aux changements de caps brutaux mortifères. L’industrie automobile européenne ne périra pas car elle s’est installée ailleurs et que les marchés des 7 milliards d’humains ne suivront pas les diktats de 67 millions de français, pour une raison bien simple c’est que dans leur grande majorité ils ne disposent pas d’une énergie électrique abondante et bon marché. Par contre ce qui vient d’arriver aura durablement détruit une partie de l’industrie française ce qui n’était pas quand même forcément dans la tête des décideurs. Il serait bon, à l’avenir, et pourquoi pas lors de la présentation de la loi climat, que soient présentées « en même temps « l’urgence des transformations et leurs conséquences industrielles sur notre pays , sans quoi nous continuerons à pleurer sur notre sort funeste, alors que nous en sommes les auteurs.
Bonjour Loïc, j’ai toujours grand plaisir de découvrir un de vos articles débordant de bon sens, de lucidité et de bien fondé. Cela me fait du bien de constater que ces valeurs existent encore en France. Portez-vous bien – Guy
Vos propos de ce jour appartiendront vite au passé. Le haut de gamme ne sauvera pas le secteur automobile quand on fait fabriquer la 208 en Slovénie pour gagner 500 € sur le prix de la voiture. La voiture électrique ce sont actuellement des batteries lourdes et onéreuses, dont la fabrication dégage beaucoup de CO2. Si les voitures roulent à l’hydrogène grâce à un prix très bas de l’électricité (en raison du développement des STE) l’électrolyse de l’eau permettra de produire des grandes quantités d’hydrogène qu’on pourra taxer contrairement à l’électricité.