La France se bat pour obtenir plus d’argent de l’Europe pour sauver son industrie. Et si elle se trompait de combat ?

Même si l’UE -et plus encore la France- ont pu faire preuve de naïveté dans la compétition mondiale, les subventions que réclame Emmanuel Macron au Conseil européen sont-elles réellement l’arme qui nous permettrait de sauver nos industries de la mort lente ?

Atlantico : Face aux mesures américaines, notamment de l’IRA, Emmanuel Macron réclame des subventions supplémentaires au Conseil européen afin d’agir « vite » en faveur de l’industrie européenne. Mais les subventions sont-elles réellement l’arme qui nous permettrait de sauver nos industries de leur mort lente ?

Loïk Le Floch-Prigent : Les Etats-Unis sont donc en train de préparer des mesures budgétaires énormes pour réindustrialiser leur pays en défiscalisant et en apportant des subventions à tout ce qui est produit aux Etats-Unis. Avec un prix de l’énergie plusieurs fois plus bas que le nôtre, une protection sociale peu développée et des impôts faibles, c’est un avantage énorme pour toutes les entreprises installées aux USA ou qui voudraient s’y installer, c’est une machine de guerre économique très efficace pour effacer une grande partie de l’industrie européenne et combattre celle de Chine. On comprend l’affolement des capitales européennes mais si les Etats-Unis font vraiment ce qu’ils disent, il convient de réfléchir avant de se précipiter vers des solutions qui n’en sont pas, nos économies ne peuvent pas rivaliser à coup de subventions avec celle des USA. L’industrie européenne est un concept inopérant car il y a une industrie dans chaque pays avec ses caractéristiques propres et aucune unité, l’industrie européenne se compose de 26 industries nationales avec un minimum de règles communes. Le secteur industriel est dominé par l’industrie allemande qui est largement exportatrice, la France a flanché depuis vingt ans désormais avec une balance commerciale déficitaire, et chaque autre pays a ses points forts qu’il essaie bon an mal an de conserver. Sauver l’industrie européenne cela voudrait dire trouver une solidarité et des règles communes véritables, il est trop tard pour y penser, depuis des années les Allemands veulent imposer leurs règles et ne font pas preuve de grande solidarité. Nous sommes au pied du mur, et le mur est très haut désormais car aux mésententes habituelles est venue se rajouter la crise énergétique due à l’application par chacun des deux grands pays, la France et l’Allemagne de politique divergente non assumée. On a voulu deux politiques de l’énergie antagonistes, cela signifiait la fin du rêve européen , en particulier pour l’industrie, on a refusé de le voir, surtout de ce côté du Rhin, et maintenant il est trop tard pour faire marche arrière, il va falloir accepter que chaque pays dise comment il peut s’en sortir avec sa propre politique énergétique et industrielle et c’est, à partir de ce constat que l’on va, peut-être, pouvoir élaborer une réponse coordonnée et non commune aux provocations américaines. C’est un travail de professionnels et non de technocrates, par conséquent ceux qui négocient aujourd’hui sont les plus mal placés pour engager notre pays, ils n’ont pas voulu regarder en face les réalités depuis des années et surtout depuis deux ans et demi où les divergences s’étalaient au grand jour, ce n’est pas avec eux que l’on va pouvoir reconstruire une véritable Europe Industrielle sans utilisation de concepts fumeux et inopérants.

Non ce n’est pas en faisant la guerre avec des « subventions » que l’on gagne dans l’industrie, mais avec des mesures permettant aux secteurs industriels de se développer, les industriels ne sont pas des mendiants, ils n’ont besoin ni de béquilles ni de charité.

Si le combat européen pour les subventions n’est pas le bon, qu’est-ce qu’il serait plus pertinent de demander à l’Europe pour sauver l’industrie ?

Loïk Le Floch-Prigent : La commission européenne qui parle à tort et à travers devrait d’abord se taire et analyser la situation réelle de chacun des pays qui la compose. Et la première question porte sur l’énergie, les marchés énergétiques sont une catastrophe, les seuls pays qui peuvent résister sont ceux qui en sont sortis il y a quelques mois, l’Espagne et le Portugal, il faut éteindre le feu avant que la situation empire, il est donc nécessaire de dissoudre ces institutions artificielles et revenir aux « tarifs » c’est-à-dire à une relation entre le cout et le prix ! Ensuite, pour éviter le cannibalisme intra européen en train de s’installer il faut revoir quelques conditions minimales pour que la compétition entre acteurs industriels européens soit admissible, c’est-à-dire que chaque Etat puisse tirer parti de ses avantages historiques. La France doit pouvoir tirer avantage de ses investissements nationaux dans le nucléaire et son hydroélectricité, par exemple, d’autres de leurs points forts en machines comme l’Allemagne ou la Suisse… Les industriels nationaux, les grands comme les moyens ou les petits, ceux des produits comme ceux de la sous-traitance doivent ainsi définir leurs conditions de survie. Et c’est ainsi que l’on va pouvoir coordonner une politique européenne, pas commune encore une fois, mais coordonnée, en retrouvant un rapport de forces favorable dans une discussion avec nos partenaires américains. Chaque pays doit donc se retourner vers ses industriels, secteur par secteur, filière par filière, pour redéfinir ce qui est le présent et ce qui peut être l’avenir. Bien sûr, il fallait commence ce travail depuis que la crise de l’énergie couvait, mais dans un dispositif de survie on peut trouver la force d’aller plus vite ! Mais cela va vouloir dire aussi ne pas se payer de mots, oublier le « green washing » et les adjectifs ronflants, propres, verts, durables…qui peuplent les réunions et qui ont souvent peu de réalités comme d’ailleurs beaucoup de publicités tapageuses, il est question de survie, pas d’accélération de décarbonation ! Cela veut dire qu’il faut changer de priorité, ce que beaucoup de pays européens ont déjà fait, en particulier ceux qui ne cessent de rouvrir les Centrales électriques à charbon. En pénurie,  en disette, dans le froid et les maladies, l’urgence climatique passe au second plan, on y reviendra demain !

Le premier combat est-il avant tout franco-français ? Quels sont les verrous à lever si on cherche réellement à redresser l’industrie française ?Comment s’attaquer également à des problèmes aussi divers que les délais de construction d’usine, la faiblesse du capital risque, la formation des ouvriers, etc ?

Loïk Le Floch-Prigent : Bien sûr, dans la logique ainsi définie, chaque pays se regarde, s’introspecte, et nous, nous savons ce qu’il faut faire pour redresser l’industrie française, réindustrialiser, retrouver nos filières d’excellence, remobiliser nos industriels et nos chercheurs. Nous savons que notre bureaucratie nous empêche d’avancer avec son application tatillonne et malveillante d’un catalogue à la Prévert de normes et règlements aux injonctions de plus en plus contradictoires, il faut balayer d’urgence tout ce fatras et considérer une fois pour toutes que les industriels sont responsables devant leur personnel et devant la population pour satisfaire les besoins collectifs et protéger la nature et l ’environnement. Le pays va se sauver avec ses entreprises, pas contre elles et , on le voit aujourd’hui avec le travail colossal de toute la filière nucléaire pour redémarrer les centrales arrêtées , les ingénieurs, les techniciens, les scientifiques répondent déjà « présents » au renouveau de l’industrie nationale ! Il faut retrouver l’abondance énergétique, les bas couts de l’énergie et les petites centrales hydrauliques condamnées par les textes ou les militants, ont aussi droit de vivre, ce serait un bon signal pour tous. La France industrielle est prête à se remettre au travail, mais ce sont des milliers d’entreprises à qui le pays doit dire sa confiance et non à quelques « grands sites » réunis en hâte pour recevoir une manne dont ils n’ont nul besoin. Encore une fois, pas de charité, mais des conditions objectives favorables à l’exercice du métier.

Quitte à pratiquer une forme de protectionnisme, peut-on envisager des solutions plus intelligentes que les subventions ?

Loïk Le Floch-Prigent : Tirer parti de ses forces peut être interprété comme du protectionnisme, mais faire l’inverse c’est être idiot. On ne connait pas beaucoup de pays idiots sur la planète, inutile de vouloir faire cette course en tête !

Il faut savoir conserver nos points forts, ils ne sont plus si nombreux, les années qui ont passé en ont fait disparaitre un grand nombre, mais nos filières doivent pouvoir être sauvées et s’il faut les « protéger » eh bien protégeons les.

Sauver notre industrie ne passe-t-il pas nécessairement par fixer un but et des objectifs, ainsi que des arbitrages ?

Loïk Le Floch-Prigent : On a bien compris qu’il faut une modification profonde de nos objectifs, il ne s’agit pas d’être un pays « attractif », ni de devenir champion des économies d’énergie pour cacher nos insuffisances, il s’agit d’agir pour que nos entreprises puissent résister d’abord, puis se développer en utilisant notre capital humain encore d’excellence dans bien des domaines. Il ne s’agit pas de s’enorgueillir d’exporter nos ingénieurs, mais de les motiver pour qu’ils restent développer notre pays. Comme c’est le plus beau pays du monde, ils y sont préparés, mais les conditions de l’exercice de leur métier doivent être revues : c’est cela l’urgence, et leurs premiers pas dans leurs responsabilités ne peuvent pas, ne doivent pas se faire dans un pays de contraintes, de punitions, de soupçons, de mises en demeure, de contrôles, de malveillances bureaucratiques. Notre pays n’a pas le droit de museler, de castrer les milliers d’initiatives qui peuvent le transformer, ce gâchis, anti scientifique, anti industriel, doit cesser pour retrouver un peu d’air pur à respirer, de la joie de travailler dans l’industrie, de l’enthousiasme à innover.

Si on accepte de revoir nos objectifs, si on refuse les arbitrages de la décroissance et du déclin, si l’on se retrouve ensemble pour innover et rebâtir un appareil industriel dans notre pays, on pourra dire merci aux américains de nous avoir obligés à redevenir égoïstes et avoir ainsi retrouvé notre dignité.

4 commentaires sur “La France se bat pour obtenir plus d’argent de l’Europe pour sauver son industrie. Et si elle se trompait de combat ?

  1. La première des décisions devrait être de sortir de l’UE.

    Voilà 40 ans que nous en avons fait l’expérience, et franchement je ne vois rien de positif : ni sur le plan économique, ni sur le plan sociétal, ni sur le plan de l’immigration, ni sur le plan culturel, ni sur le plan diplomatique, et enfin, ni en ce qui concerne la défense. Rien de rien. Si nous étions pragmatiques, ce que nos gouvernements ne sont plus depuis longtemps, préférant le dogmatisme, nous aurions abandonner cette malheureuse expérience depuis au moins une décennie… Mais voilà, pour Macron, le « young leader », piloté par les USA, l’UE passe loin devant les intérêts de la France, même si notre « partenaire » Allemand ne cesse de nous planter des couteaux dans le dos…

    Tant que le drapeau bleu aux douze étoiles flottera à côté du nôtre, rien ne sera possible. L’UE nous entraine vers le fond, c’est un poids morts. Donc, la problématique n’est pas d’obtenir des subvention de l’UE, la problématique est l’UE !

  2. Oui!
    Votre analyse relève du simple bon sens, venant de l’un de ces nombreux citoyens qui se désolent de voir leur pays souffrir ainsi, par la faute de comptables et de politiciens qui ont kidnappé l’état profond et se prennent pour des brillants stratèges, avec ce don d’ubiquité pour la confusion des genres public-privé, là ou les passerelles se transforment en boulevards pour une administration bouffie d’habitudes endogène. Cette population a par principe raison! alors que nous autres… on veut simplement gagner dans nos activités et se développer dans nos marchés.
    Ce sont deux mondes qui ne se sont plus jamais compris depuis Giscard, là est le drame français.
    Après la suppression de l’ENA, veillons à ce que la création de l’Institut du service public prenant en charge l’ensemble des élèves administrateurs et déjà fonctionnaires… ne soit encore qu’un entre soi, nouvelle formule pour héritiers de la culture dominante.

  3. NOUS NOUS BATTONS POUR LE MEME COMBAT
    SI NOUS NOUS UNISSONS ET NOUS STRUCTURONS NOUS POUVONS AGIR ENSEMBLE ET REDRESSER NOTRE PAYS
    NOUS AVONS BESOIN DE TOUS ET SURTOUT DE GENS D’EXPERIENCE COMME VOUS
    JE VOUS LAISSE MON PHONE
    06 7312 7318
    A BIENTOT J’ESPERE
    BIEN à VOUS

  4. La première mesure sera l’inéligibilité des fonctionnaires. Ensuite le retour à l’équilibre budgétaire par la réduction des dépenses (et la réduction de 50% des personnels de l’Etat). La Nlle Zélande et le Canada l’ont fait, pourquoi pas nous?
    Il faut renouveler les papys de la politique, place aux jeunes, David Lisnard est sur la bonne voie.

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