Business Traveler France : alors que le gouvernement a finalement fait volte-face sur le nucléaire et prévoit désormais d’investir massivement dans ce domaine, est-ce logique d’avoir pour objectif 42,5% d’énergies renouvelables en Europe et donc en France ?
Loïk Le Floch-Prigent : effectivement on peut considérer qu’il y a peu d’intérêt. Il y a une méconnaissance totale des conditions dans lesquelles s’est développée en France notre indépendance énergétique. Notre énergie nucléaire est pilotable mais avec une flexibilité limitée en variant la profondeur du combustible dans les cuves. L’essentiel de nos besoins est apporté par le nucléaire et lorsqu’il fait très froid, on ne sait pas gérer les pointes de consommation. On a alors recours à l’hydraulique ainsi qu’aux centrales à charbon à fioul ou à gaz. Les énergies renouvelables ne sont pas des énergies qui peuvent travailler dans ce type de situation. Il n’y a pas de complémentarité pour les énergies renouvelables contrairement à l’hydraulique ou aux centrales à gaz/charbon. La France n’a pas besoin de centrales éoliennes ou solaires.
Business Traveler France : que pensez-vous des pertes de Siemens dans le domaine des éoliennes et du plan de garanties bancaires de 15 milliards de l’Etat allemand à Siemens? Doit-on arrêter les projets éoliens en France ?
Loïk Le Floch-Prigent : c’est inutile de vouloir continuer à faire en France du solaire et de l’éolien. Tout d’abord ces deux technologies sont largement subventionnées. De plus nous n’avons pas de de structure industrielle dans ces deux domaines. L’Allemagne ou le Danemark ont développé un outil industriel éolien important contrairement aux panneaux solaires qui sont fabriqués en Chine. Ce sont deux pays voisins de la mer du nord où les vents sont importants. C’est pourquoi l’Allemagne pousse à développer l’éolien et soutient ses groupes industriels comme Siemens.
Les nordiques ont construit des éoliennes de plus en plus hautes pour capter un maximum de vent. Mais ces éoliennes ont de gros problèmes de maintenance particulièrement en mer et leur durée de vie est plus limitée que prévue. Leur maintenance s’avère aussi extrêmement chère et l’électronique tombe souvent en panne. L’industrie éolienne est en difficulté et les retours sur investissement plus longs que prévus
En outre, les énergies renouvelables intermittentes nécessitent d’investir énormément dans le réseau pour construire une multitude de câbles et acheter les onduleurs et les transformateurs nécessaires pour gérer l’énergie décentralisée des panneaux solaires ou des éoliennes pour conserver une puissance et une fréquence aussi stables que souhaité.
Business Traveler France : l’Allemagne émet ce jour 602 grammes de CO2 par kWh contre moins de 76g pour la France ce qui arrive très souvent en hiver (carte Electricity map du 09/01/2024 à 7H00). Cela signe-t-il la faillite de l’Energiewende et des énergies renouvelables ? Comment l’économie allemande va-t-elle faire pour retrouver des prix de l’énergie abordables pour sauver son industrie sans le nucléaire ?
Loïk Le Floch-Prigent : le prix de l’énergie est important dans le prix total d’un bien industriel et pour une partie de l’industrie il est fondamental (aciérie, chimie…). Beaucoup d’industriels font le constat qu’il ne peuvent plus investir en Allemagne du fait d’un coût de l’énergie trop élevé. Ils délocalisent leur production dans des pays où l’énergie est moins chère comme aux Etats-Unis.
L’Allemagne doit donc changer de politique et revenir vers le nucléaire. Elle pourrait rouvrir les centrales fermées récemment pour aller plus vite. En Allemagne tout a été fait en dépit du bons sens sous la houlette des verts ce qui conduit aujourd’hui le pays à utiliser massivement des centrales à charbon pour répondre aux périodes de pics quand les centrales solaires ou les éoliennes produisent peu. Pour rester compétitive l’Allemagne doit subventionner massivement ses industriels consommateurs d’énergie.
Business Traveler France : le prix de l’électricité a augmenté de plus de 50% en France depuis 2006 et la libéralisation du marché de l’électricité: comment l’expliquer? Nous avons pourtant toujours les mêmes moyens de production. De nouvelles hausses sont prévues l’an prochain est-ce soutenable pour l’économie française? En Allemagne, le pays est entré en récession cette année notamment du fait de la hausse des coûts de l’énergie (PIB prévu en baisse de -0,5%). Y a-t-il espoir de faire baisser les prix en France et de revenir à des niveaux proches de ceux de 2006?
Loïk Le Floch-Prigent : en France nous pâtissons du marché européen de l’électricité alors que nous avons les coûts de production parmi les moins élevés en Europe et les prix de vente parmi les plus chers (NDLR: depuis la libéralisation du prix de l’électricité par l’UE, son prix a augmenté de 50%. Cet hiver les français doivent se serrer la ceinture pour exporter à des pays comme l’Allemagne notre énergie nucléaire qu’ils ne veulent pas chez eux).
Nos gouvernants ont oublié que la base d’un pays industriel c’est d’avoir une électricité abondante et bon marché. Mais l’éolien et le solaire étaient une religion jusqu’à présent alors que ces technologies demandent beaucoup d’infrastructures et ont peu d’intérêt en France. Ce qui est engagé (NDLR : avec les investissements prévus dans le pacte vert de l’UE) va conduire à une forte hausse des prix de l’énergie au niveau des consommateurs mais aussi et ce qui est encore plus grave au niveau de l’industrie ce qui va conduire à une désindustrialisation en France ou en Europe et à des délocalisations (NDLR: là où l’énergie est moins chère).
Le nucléaire et l’hydraulique sont une bénédiction pour la France mais nous encore sommes dans le déni de la réalité (NDLR: comme en Allemagne).
Business Traveler France : pourquoi n’y a-t-il aucune remise en question de la politique européenne? Que pensez-vous de l’accord récent sur le marché européen de l’électricité? Fallait-il sortir du marché européen de l’énergie? Comment outrepasser le dogmatisme européen? Quels sont les moyens à notre disposition?
Loïk Le Floch-Prigent : l’Union Européenne est traversée par des courants idéologiques qui ne veulent pas reconnaitre la réalité. Le en même temps ne marche pas. On ne peut pas investir dans le nucléaire/ hydraulique et les éoliennes/Panneaux solaires. La France est dans un mensonge volontaire.
Nous ne sommes pas engagés par des traités mais par des accords et on peut sortir des accords et donc du marché européen de l’électricité. C’est ce qu’ont fait les espagnols. Si on ne le réforme pas il faut le quitter. Il n’y a aucun traité qui nous empêche de le faire. Dans le prix de l’électricité que nous payons il n’y a que 45% de nucléaire alors que 80% de l’énergie que nous produisons vient du nucléaire et de l’hydraulique. On ajoute au prix de l’éolien du solaire, du gaz et du charbon. Il faut revenir à un prix de l’électricité en fonction du coût réel. Les chefs d’entreprise ont encore peur de parler car ils profitent de nombreuses subventions de l’Etat
Business Traveler France : avec la fin des voitures thermiques imposée par l’UE on va mettre en place un monopole électrique, dans les maisons on oblige à investir dans les pompes à chaleur fonctionnant à l’électricité et à oublier les chaudières à fioul ou à gaz. Cela conduit à imposer une seule énergie est-ce bien raisonnable alors que le réseau d’EDF peine à produire suffisamment ? Cela ne va-t-il pas avoir aussi un impact très négatif sur le pouvoir d’achat des français alors que ceux-ci n’auront plus l’alternative de se fournir en gaz, fioul mais uniquement en électricité ? N’est-on pas en train de créer une économie monopolistique sans prendre en compte les possibilités de production du réseau électrique ?
Loïk Le Floch-Prigent : on ne peut pas raisonner avec une seule source d’énergie.on l’a vu quand il y a eu la grande tempêter en Bretagne, l’Etat a installé en toute hâte des générateurs électriques au fioul. Ce n’est pas comme cela que le reste du monde vit. Cela conduit à gérer la pénurie comme dans le Puy-de-Dôme où EDF teste la limitation de la consommation des compteurs Linky à 3kVA. Cela me rappelle le magasin GOUM à l’époque de l’Union Soviétique où quand vous vouliez acheter des chaussures, vous aviez des bottes. Il faut ne faut pas imposer une source d’énergie. Il faut des sources d’énergie diversifiées. Quant au DPE, a-t-on fait des études sur son impact économique? Ils sont incapables de faire des études d’impact. Si vous regardez dans les autres pays du monde cela ne fonctionne pas du tout ainsi. Il faut revenir sur toutes ces théories car nous perdons du temps. Le gouvernement pourrait reconnaitre qu’il a fait des erreurs. Il faut que l’on revienne à une énergie abondante au lieu d’organiser sa pénurie. D’autant que cette politique est décidée au niveau de l’Union Européenne par des technocrates qui n’ont jamais été élus. En Allemagne les agriculteurs sont dans la rue et en France les gens qui travaillent ne peuvent plus aller en ville dans les ZFE avec leurs voitures diesel. Il faut revenir à la raison et avoir confiance en l’avenir, et dans le bon sens populaire.
Electricity Map du 09/01/2024: l’UE veut nous obliger à investir dans l’éolien et le solaire pour avoir le même résultat qu’en Allemagne soit 10 fois plus d’émissions de CO2 ce jour en Allemagne par rapport à la France. L’Allemagne a investi massivement dans le solaire et l’éolien qui ne servent pas en période sans vent ou sans soleil, or c’est souvent en hiver durant les grands froids qu’il y a peu de vent. En France, avec le nucléaire et l’hydraulique nous n’avons aucun intérêt à avoir du solaire ou de l’éolien car cela rajoute d’importants coûts d’infrastructure au réseau sans bénéfices réels. Grâce au nucléaire et à l’hydraulique la France est l’un des pays les moins émetteurs de CO2 en Europe avec la Suède ou a Norvège alors pourquoi changer un système gagnant? Cela ne sert qu’à rajouter des coûts à notre électricité en faisant doublon avec nos investissements nucléaires et à la rendre moins compétitive à l’échelle européenne. Il est à noter qu’après avoir massivement investi dans les renouvelables la Suède a fait volte-face comme la France en investissant pour construire de nouveaux réacteurs nucléaires.
Le coin du bon sens. À lire et à méditer…
Sont-ils au courant … ou font-ils semblant ?
Et puisque nous parlons de décisions idiotes … personne pour rappeler à nos politiques qu’il y a sans doute de grandes quantités de gaz (et pétrole ?) dans notre sol ? Quand reviendra-t-on sur l’interdiction de la recherche et de l’exploitation des « gaz de schistes » ? C’est notre indépendance énergétique qui nous impose de l’acheter aux russes ou à défaut aux américains ?