Atlantico : Alors que les prix du gaz semblent retrouver des niveaux acceptables, une question se pose, la crise énergétique est-elle derrière nous ?
Ce n’est pas parce que le débat sur les retraites a vampirisé l’espace médiatique français que la crise énergétique est derrière nous, rien n’est réglé, ni le présent, ni le futur ! Au niveau mondial, la consommation d’énergie augmente toujours, et la réponse en production a été une augmentation relative de la demande de charbon qui est passée en 3 ans de 23% à 27% du mix mondial ! Globalement, on a donc fait l’inverse de ce qui était souhaité… et décidé par cette tentative de gouvernement mondial que sont les grands messes onusiennes sur le climat. Et si l’on regarde plus modestement la France, les prix ont augmenté et mettent en danger l’équilibre social et toute l’économie puisque artisans, PME et ETI ont vu leurs prix de l’énergie multiplié par 4, 5 jusqu’à 10 et ceci écrit dans des contrats à 1, 2, ou 3 ans ce qui les conduit à avaler leur marge bénéficiaire ou à faire faillite. Le drame est quotidien et la catastrophe est devant nous si nous continuons à refuser de regarder la réalité.
Pour retrouver une sérénité sociale et économique il faut prendre rapidement des décisions sur la production d’énergie électrique, sur la production de gaz, sur l’approvisionnement de notre pays, sur la consommation car la prospérité des pays s’est toujours bâtie sur la mise à disposition d’une énergie abondante, bon marché et souveraine et, depuis des années, la France a décidé la politique inverse qui ne peut mener qu’au sous-développement.
Il faut donc revenir aux fondamentaux, une augmentation de la production énergétique nationale (nucléaire, gaz, hydraulique), un coût bas, un prix en conséquence bas également et une maîtrise scientifique, technique et industrielle des moyens pour y parvenir.
La première décision doit être celle de la suppression du marché actuel de l’électricité, ou de sa réforme profonde si on a peur des mots, le prix doit redevenir fonction du coût pour à la fois rassurer le consommateur et permettre les investissements de production. Pour mettre des milliards sur la table (grandes centrales, barrages…), il faut des tarifs garantis. L’absence de décisions d’investissements depuis 2005 condamne le statu quo !
Ensuite il faut, pour permettre cette « garantie », supprimer la priorité à l’énergie intermittente (éolien et solaire) sur le réseau pour remettre à leur place les deux phares de notre souveraineté, le nucléaire et l’hydraulique. Enfin, il faut revenir en matière énergétique (nucléaire, gaz, pétrole …) aux standards internationaux, en particulier en sûreté nucléaire, les Français sont des humains comme les autres, pas plus fragiles que les Chinois, les Russes, les Américains ou… les Bretons ! Alors on pourra lancer des programmes d’investissements rentables et donc « banquables » dans le nucléaire, dans l’hydraulique, le gaz.
Aujourd’hui, nous sommes au point mort, les décisions antérieures courent toujours et nous nous gargarisons « d’annonces » sans traduction dans les faits, dans l’action.
Pour sortir d’une crise il faut agir.
La question des pénuries d’énergie et de l’énergie chère se posent-elles toujours ?
Nous avons passé un hiver plutôt doux avec les « moyens du bord » et nous ne pouvons que nous en satisfaire, mais notre production électrique a été minimale et pour retrouver les niveaux d’il y a dix ans, il va falloir cravacher ! Ne nous endormons pas parce que la météo nous a été favorable, il faut revenir à faire fonctionner toutes les centrales électriques disponibles encore, au-delà de celles sur lesquelles on travaille aujourd’hui, il faut réexaminer Fessenheim (nucléaire), le Havre (charbon/pellets), Aramon (fioul), investir dans les centrales à gaz qui sont les seuls compléments pour rentabiliser nos énergies intermittentes. Il y a un travail colossal à effectuer pour préparer le présent, une augmentation nécessaire de l’activité économique freinée par les pénuries éventuelles, les prix astronomiques, les effacements programmés et les demandes incessantes de sobriété avec la menace d’apparition de nouveaux « gendarmes » et de leurs sanctions. Il est clair que l’on doit aussi revenir sur l’interdiction des véhicules thermiques puisque de toute évidence nous ne serons pas prêts en termes de production / consommation ni en bornes de recharge rapide dans dix ans ! On ne peut pas annoncer en 2035 la première nouvelle centrale nucléaire française et la même année la voiture électrique universelle ainsi que la généralisation des pompes à chaleur !
Si l’on n’est pas parvenu à une énergie abondante, bon marché et souveraine, inutile de préconiser des solutions, de donner des subventions, de prévoir des sanctions, d’annoncer des « boucliers », chacun ira, comme dans les pays sous-développés se procurer son petit ou grand générateur électrique à base d’essence ou de diesel ! Un peu de cohérence ne peut pas nuire à la construction d’un avenir.
Qu’est-ce qui pourrait nous faire replonger (plus profondément) dans la crise ?
Comme, pour l’instant, nous n’avons fait que parler, la désindustrialisation s’accélère et les faillites d’entreprises se multiplient. Un petit coup de froid et tout l’édifice peut s’écrouler. Le « blocage » du pays annoncé à cause du dossier des retraites peut aider, naturellement, à vaincre les pénuries potentielles, mais c’est, encore une fois, jouer avec le feu. Pour reprendre une activité économique satisfaisante, il faudrait des décisions rapides dans le sens d’une augmentation réelle de la production, une volonté réelle d’arrêter la désindustrialisation et de réindustrialiser avec des prix de l’énergie attractifs qui nous permettent d’être compétitifs. Nous sommes, industriellement, aux bords du gouffre, nous sommes en respiration artificielle avec nos Grandes Entreprises qui déménagent leurs productions sans un regard amical à l’égard de leurs sous-traitants qu’ils exhortent de déménager avec eux. Le Cac 40 va bien, les artisans et les PME beaucoup moins bien ! Et la crise économique viendra accentuer la crise sociale, le dossier « retraites » n’étant plus le centre mais la périphérie des problèmes. Il faut augmenter l’activité du pays, prévoir un peu (ou beaucoup) de retraites par capitalisation pour générer des fonds propres nationaux dans notre économie. C’est une évidence ressentie comme telle par le plus grand nombre ! Avec les prix qui ne rendent pas compte des coûts, le pays est en crise et restera en crise.
Les leçons de cette crise ont-elles été tirées par nos gouvernants ?
Peut-être, il faut le leur demander, mais aucune décision n’a été prise, par conséquent nous en sommes toujours aux discours sans actions. Mais il est arrivé dans le passé que l’on ait réussi à endormir les peuples pendant des années… avec un réveil difficile ultérieur. Le dossier énergétique est fondamental, on a engagé les débats ailleurs, les manifestations aussi, cet aveuglement collectif est affligeant.
Les erreurs d’anticipation quant au déroulé de l’hiver sur le plan énergétique, et les choix d’achats fait en conséquence, doivent-ils être reprochés au gouvernement ? Qu’aurait-il pu ou dû faire différemment ?
Le gouvernement fait suite à beaucoup d’autres gouvernements qui ont fait beaucoup d’erreurs, il n’a fait que prolonger une tendance à considérer que la France est un petit pays en déclin qui va doucement vers la décroissance et la dépendance à l’égard du monde occidental et asiatique. Le vote de la loi sur les éoliennes et les recours a été obtenu par une presque unanimité sénatoriale, montrant bien là où en était la représentation nationale à l’égard du débat énergétique ! C’est le peuple et ses représentants qui ont été anesthésiés et le gouvernement ne fait que refléter ce désir profond de ne pas accepter de regarder en face la réalité. Aucune anticipation n’est possible si on nie l’observation, si on veut continuer à rêver. La crainte a été essentiellement de manquer d’électricité dans le quotidien, pas de voir l’économie s’effondrer, comme la crainte des enfants qui manifestent est de ne pas « avoir de retraite » et non de ne plus avoir de travail dans un futur proche ! La politique n’est que le reflet de nos humeurs collectives et ce que l’on peut reprocher aux gouvernements c’est de ne pas anticiper et de ne pas donner le cap de l’espérance d’un avenir meilleur. Encore faut-il alors considérer que l’on doit revenir à des notions de bien commun, de décisions collectives, de services publics efficaces, tout le contraire de ce que l’on peut observer tous les jours ! Le gouvernement de la facilité, celui qui paraît obéir aux souhaits mesurés tous les jours par les sondages, n’anticipe rien, il répond aux émotions du moment et essaie de les gérer au mieux. Dans le domaine énergétique il faut expliquer la nécessité d’une production abondante, bon marché et souveraine, cela ne me paraît pas impossible, il n’est jamais trop tard pour commencer. Donc assez de reproches et de l’action maintenant.