LE FIGARO. – Le ministre de l’Économie a annoncé, dimanche 21 janvier, une hausse de 8,6% à 9,8% des prix de l’électricité au mois de février. Cette décision est-elle «nécessaire» comme l’a affirmé Bruno Le Maire ?
Loïk LE FLOCH-PRIGENT. – Un impôt n’est jamais «nécessaire», et là il s’agit d’une taxe prélevée sur chaque consommateur d’électricité, c’est donc un impôt à la consommation. L’État peut considérer que c’est une bonne occasion de remplir ses caisses, mais il n’y avait aucune «nécessité» à choisir l’électricité. L’adjectif choisi est donc impropre.
Pour le consommateur particulier, l’électricité a doublé en quelques années. Pour l’industriel moyen, c’est une multiplication par trois à six. Le ministre a oublié d’en parler, mais la compétitivité a chuté et les défaillances d’entreprises sont de plus en plus nombreuses ; il n’y avait aucune «nécessité» qu’il en soit ainsi. Le coût de l’énergie électrique française, basé sur une production nucléaire et hydraulique pour plus de 80%, n’a pas varié au cours de cette période. Ces augmentations qui expliquent une grande part de l’inflation ne sont pas justifiées. Les consommateurs et les entreprises, commerces, artisans, industriels, services, contestent à juste titre les chiffres avancés.
Grâce à notre outil de production nucléaire et hydraulique, nous produisons pourtant une électricité à bas coût. Comment expliquer que l’électricité soit aujourd’hui si chère? Est-ce seulement lié à la guerre en Ukraine ?
En 2010, à l’occasion d’un chantage de la Commission Européenne, la France est rentrée dans un «accord» sur un «marché» européen de l’électricité complètement artificiel qui créait des «fournisseurs» qui ne produisaient pas, qui ne transportaient pas et qui ne distribuaient pas pour «casser» le monopole jugé impie d’EDF. À cette occasion, on a créé une autre horreur, l’ARENH qui prévoyait de vendre une part de l’électricité d’origine nucléaire aux fameux fournisseurs à prix coûtant pour qu’ils puissent animer une concurrence. Ce marché était artificiel puisque les énergies éoliennes et solaires, déficitaires, obtenaient un tarif garanti et une priorité sur le réseau.
La guerre en Ukraine a donc été un accélérateur et un révélateur d’un système déjà délirant, mais l’essentiel est que le prix de l’électricité s’est éloigné ces dix dernières années de son coût nucléaire-hydraulique véritable.
Cette initiative a été catastrophique pour le pays car elle mettait à mal le nucléaire français, les comptes d’EDF et voulait obliger le pays à changer de modèle électrique sous le couvert du droit à la concurrence, seule bonne méthode pour faire baisser les prix. On peut juger le résultat aujourd’hui au bout de quatorze ans: une multiplication par deux à six pour les consommateurs ! Nous avons payé d’abord une mauvaise politique, et alors que le coût nucléaire-hydraulique était constant, les augmentations ont commencé à cause des largesses accordées à l’éolien et au solaire, ensuite à cause du prix du gaz qui rentrait dans les paramètres de ce «faux marché» et lorsque les sanctions à l’égard de la Russie ont fait renchérir le prix du gaz dans des proportions élevées, le marché artificiel de l’électricité a fait exploser son prix pour les pays qui avaient misé tout sur le gaz russe à bas prix, ce qui n’était pas notre cas alors que nos coûts nationaux continuaient à être contenus !
Nous avons été entraînés dans la tourmente des pays européens qui avaient choisi une politique désastreuse alors que nos accords avec eux nous permettaient d’en sortir. Notre choix a été de vouloir «réformer» un marché artificiel absurde. Nous avons donc fait payer à tous les consommateurs français une charge inutile. Les prix baissent désormais, mais à la fois les «fournisseurs» et les «producteurs», dont EDF, en tirent les bénéfices. Désormais c’est l’État qui nous annonce qu’il va aussi prendre sa part. Les particuliers vont donc payer deux fois le prix, certaines entreprises bien plus encore. La guerre en Ukraine a donc été un accélérateur et un révélateur d’un système déjà délirant, mais l’essentiel est que le prix de l’électricité s’est éloigné ces dix dernières années de son coût nucléaire-hydraulique véritable. C’est tout le pays qui en souffre et qui va en souffrir encore longtemps si l’on ne veut pas revenir aux réalités. Notre pays avait un mix électrique remarquable à l’épreuve du temps et une série de mauvaises décisions nous a affaiblis.
On voudrait contraindre notre pays à considérer que l’électricité est un produit de luxe dont il faut préparer la pénurie pour satisfaire l’idéologie consternante de la décroissance.
Le bouclier tarifaire mis en place en réaction au déclenchement de la guerre en Ukraine était-il une erreur ?
Le bouclier tarifaire a été très onéreux pour le budget de l’État et n’a concerné que les particuliers et quelques entreprises. Il était inutile, car il suffisait de sortir des accords du marché artificiel de l’électricité et de rapprocher le prix du coût. Cela a donc été clairement une erreur, et aujourd’hui, dire que l’on supprime le bouclier tout en augmentant le prix de l’électricité est une nouvelle erreur. On voudrait contraindre notre pays à considérer que l’électricité est un produit de luxe dont il faut préparer la pénurie pour satisfaire l’idéologie consternante de la décroissance. Les civilisations se sont développées grâce à la recherche d’une énergie abondante, bon marché et souveraine. C’est sur cet espoir que la science, la technologie et l’industrie travaillent. Notre avenir est certes d’éviter les gaspillages et les atteintes à l’environnement mais ce n’est pas la gestion de la pénurie !
En 2022, l’Espagne et le Portugal ont décroché «exceptionnellement» du marché européen de l’électricité. Quelles leçons tirer de cette expérience ?
Cette solution doit être de nouveau examinée aujourd’hui. Il faut impérativement rapprocher le prix payé par le consommateur du coût de production et de la logistique associée. Le rideau de fumée dans lequel nous vivons est insupportable. Le «marché» de l’électricité est aujourd’hui artificiel, il le sera encore plus lorsque les nouveaux investissements rentreront en production. Il n’est pas «réformable». Le Portugal ne se plaint pas ; l’Espagne veut, curieusement, abandonner le nucléaire. Nos situations, y compris géographiques, sont cependant très différentes. Il est difficile d’en tirer des enseignements pour nous. Il est clair qu’il n’existe pas de «traités» contraignants européens sur l’énergie, et notre intérêt est de sortir des accords, ce qui est parfaitement possible.
Excellent article pour aider à comprendre ces faits. J’ajouterai qu’après avoir de nombreuses fois refusé l’augmentation des prix de l’électricité ce par de nombreux gouvernements successifs, aujourd’hui l’état veut que l’électricité se paie beaucoup plus chère et souvent argumenté sur des prétextes fallacieux et purement manipulatoires. Souvenons nous de la partition du téléphone qui représente des investissements beaucoup moins considérables et à cette époque on a assisté à la répartition de cette manne auprès de quatre à cinq opérateurs qui s’entendent au demeurant parfaitement. L’internet faisant rendant obligatoire une connexion on peut voir que parmi ces opérateurs aucun ne se plaint de gagner beaucoup d’argent. Il n’y a pas de commune mesure entre produire des unités téléphoniques et internet et produire un kW/h. Par conséquent, il a fallu développer une nouvelle manne de profit à partir de l’électricité avec évidemment les montages qui sont bien sûr construits pour profiter à ceux qui vont en détenir les rennes. Par ailleurs, si l’on considère la dette d’une entreprise comme EDF qui a servi de longues années de « vache à lait » regardons où est passée l’argent. Arrêt de Superphenix dont le coût représente plus de 25 milliards d’euros entre un prototype d’avenir neuf mis en déchetterie avec un cœur neuf encore en piscine. Arrêt de Fessenheim, deux tranches pouvant encore fonctionner plus de 10 ans voir 20 ans ; coût 5 milliards d’euros. Investissement au Brésil et Etats Unis passé en pure perte 5 milliards d’euros. Surcoût de l’EPR de Flamanville à cause de la perte de nos compétences , coût 10 milliards d’euros, etc et j’en passe. Qui veut tuer son chien dit qu’il a la rage, pourtant il suffit d’ouvrir les bilans comptables de l’entreprise pour corroborer et préciser ces chiffres. Ce travail à ma connaissance n’a jamais été fait ni rendu publique. Ma conclusion, ma certitude est qu’au travers le besoin énergétique croissant est qu’il y a une volonté manifeste de positionner l’énergie électrique dans une marché ouvert donc spéculatif et pour lequel tout un chacun devra se plier. Nul n’est nécessaire de feindre des « larmes de crocodile » en disant que nous avons perdu notre souveraineté car tout à été fait volontairement en ce sens au détriment de ce que l’on appelle aujourd’hui les « biens communs ». Tous les gouvernements successifs et les responsables du secteur depuis maintenant plus de 25 ans ont œuvré dans ce sens par pure idéologie, ignorance, incompétence et surtout mépris de ce que doit être ce bien commun. Il est trop tard pour pleurer car nous avons juste ce que nous méritons par manque de clairvoyance et suivisme idéologique mais assumons maintenant il faudra payer et cette fois pas pour reconstruire ce bien commun mais pour continuer à alimenter la poche de ceux qui ont eu eux la clairvoyance de ne pas laisser échapper ce potentiel de manne pour s’enrichir au détriment de chaque particulier et des entreprises de nature diverses et indispensables à notre société. Bien évidemment je passe sur le détail de la spoliation des particuliers qui avaient investis en bourse croyant aux valeurs de l’entreprise et que l’état à volontairement ponctionné. Croyez vous que demain une personne lambda mettra une tune dans le secteur énergétique.
Malheureusement il y aurait tant d’autres choses à dire que la commission d’enquête à révélé sans pouvoir aller au delà que de constater les faits donc sans pouvoir clairement afficher et désigner qui sont les responsables de ce désastre.