Alors que le gouvernement recevait ce mardi les patrons des 50 sites industriels les plus polluants, et au regard des erreurs passées de planification de l’Etat, quelles sont les pistes intéressantes, quelles sont celles à fuir absolument ?
Atlantico : Le gouvernement recevait ce mardi les patrons des 50 sites industriels les plus polluants avec pour objectif de réfléchir à la décarbonation de l’industrie française. Quels sont les choix qui ont été fait par le passé ? Avec quels résultats écologiques et économiques pour l’industrie ?
Loïk Le Floch-Prigent : Tout d’abord on comprend immédiatement que cette rencontre est avant tout de la communication politique, même politicienne. Un site polluant est un endroit où il y a des émissions de polluants, c’est-à-dire de produits insalubres touchant l’air ou l’eau susceptibles d’une influence néfaste sur la santé des vivants. C’est autre chose que de réfléchir sur la décarbonation, réflexion considérée comme nécessaire pour des raisons « climatiques » ! Là il s’agit de réduire l’émission des gaz à effet de serre( dont le CO2, le gaz carbonique, considéré comme le principal coupable). Le CO2 n’est pas un polluant, il est même une nourriture pour la vie sur terre ! La décarbonation est essentiellement vue comme un objectif à atteindre en restreignant l’usage des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) qui produisent aujourd’hui 88 % de l’énergie mondiale consommée. Ces deux considérations, lutte contre les polluants et lutte contre l’émission de CO2 sont donc à distinguer, même s’il peut arriver qu’un même produit pollue en émettant du CO2 ! Le politique est fâché depuis longtemps avec la science et ses réalités.
Depuis des dizaines d’années les installations industrielles ont du lutter contre les pollutions qui visaient la survie humaine, les cheminées étaient très hautes d’abord, puis on a envoyé les usines loin des concentrations humaines et on a contrôlé soigneusement les émissions et leurs conséquences sur les santés, directement sur l’homme puis sur les produits alimentaires issus des voisinages. Normes et règlements sont venus assister la politique des investissements et les usages des matériels en usine. La politique spécialement dédiée à la pollution de l’air et de l’eau a conduit dans notre pays à un code de l’environnement désormais aussi lourd que celui plus ancien, le code du travail, et comme lui en évolution constante sinon hebdomadaire. Dans la mesure où ces mesures étaient prises dans notre pays de façon prioritaire, sans concertation ou imitation de nos voisins et encore moins de pays plus lointains, le code de l’environnement a été un instrument très efficace de la désindustrialisation de notre pays : pas le seul, mais en ce qui concerne la chimie nationale un des plus utilisé !
Un examen attentif de toutes les décisions qui ont été prises par les industriels sur notre territoire pour satisfaire aux exigences concernant la qualité de l’air et de l’eau dans et autour de nos usines montre aisément que les progrès ont été considérables et expliquent en grande partie le déficit de compétitivité de l’industrie française par rapport à la plupart des autres pays. La disparition en vingt ans de la plupart des principes actifs utiles à l’industrie pharmaceutique observée lors de la crise du Covid a été, en grande partie causée par ces règlements et les contrôles bureaucratiques qui y sont associés.
La volonté de décarboner, plus récente, est venue rajouter une autre difficulté pour les industries énergétivores et on a vu disparaitre en quelques années la moitié de nos raffineries comme toutes les industries lourdes comme les cimenteries ou les aciéries …et bien sur, de nouveau, la chimie. La cerise sur le gâteau a été les deux dernières lois de « protection » des citoyens , la loi AGEC (anti gaspillage et économie circulaire ) et la loi « Climat et résilience « qui ont accéléré les délocalisations et empêchent désormais la réindustrialisation ! On veut poursuivre le mythe de l’industrie sans usines et on tombe dans la disparition de l’industrie car pour savoir-faire, il faut faire, et ne plus faire, cela veut dire ne plus posséder de savoir-faire !
Quelles sont les pistes envisagées par l’Etat et les entreprises qui pourraient être intéressantes à l’heure actuelle ?
Loïk Le Floch-Prigent : A part contraindre, règlementer, interdire, punir, et finir par subventionner et communiquer sur des objectifs illusoires, l’Etat ne peut rien car il n’a pas voulu accomplir le travail préalable de l’observation et du diagnostic.
En ce qui concerne les entreprises elles ont déjà sur tous les sites effectué le travail de traitement des pollutions , ce qui a pour partie détruit leur rentabilité comparée à celle de tous leurs concurrents. Par contre elles consomment des énergies fossiles et leur souci n’est pas tant de savoir si elles émettent trop de CO2 mais de savoir à quel prix et dans quelles conditions elles vont être approvisionnées. Pour la plupart d’entre elles le prix du MW heure qui leur est proposé mange l’intégralité de leur marge et elle se trouvent donc très près du dépôt de bilan ! Un gaz et une électricité avec un prix multiplié par six est insoutenable, surtout lorsque les concurrents allemands, suisses, italiens, espagnols et portugais ne connaissent qu’un prix multiplié par deux ! C’est l’hypocrisie et l’artificiel de la fixation des prix du gaz et de l’électricité qui en sont la cause, puisque c’est en France que le cout est le plus bas grâce à l’électricité d’origine nucléaire et aux réservoirs de stockage de gaz !
Les cinquante sites industriels montrés du doigt par la communication gouvernementale n’ont donc pas à rougir en termes de satisfaction aux normes de pollution, et en ce qui concerne le CO2 ils sont beaucoup plus propres et « verts » que les centrales à gaz et à charbon de nos voisins, en particulier allemands.
Si, néanmoins, on voulait les punir, il faudrait imaginer utiliser les expériences de captage souterrain de CO2 et celles des des utilisations industrielles de CO2 pour limiter les émissions.
Luc Poyer : Il est clair que nous allons vers une électrification accrue des usages et sur la transformation d’industries clefs- la sidérurgie , le raffinage, la production d’engrais, la chimie– pour une bonne part de leurs usages à l’hydrogène bas carbone. C’est une évolution qui suppose de faire évoluer les process, et il y a plus encore de process que de secteurs. Elle implique également de développer à grande échelle et à un haut niveau de compétitivité internationale, une nouvelle branche de notre industrie : celle qui fournit les équipements indispensables à cette décarbonation, au premier rang desquels les électrolyseurs. C’est un formidable défi et la perspective d’un âge d’or pour toute une génération de jeunes techniciens et ingénieur(e)s dont beaucoup n’ont pas encore conscience.
Sur le plan de la politique industrielle, la question est de concilier décarbonation, compétitivité et sécurité d’approvisionnement.
Ces trois objectifs sont pris en compte dans la stratégie actuelle des pouvoirs publics mais le défi est considérable et le contexte actuel de tensions énergétiques renforce l’impératif d’une mobilisation de tous les acteurs.
Par ailleurs, il est essentiel que les actions au niveau national soient cohérentes au niveau européen et s’intègrent dans une réforme du marché de l’électricité efficace. Il est légitime que les Etats aident leurs industries mais en encourageant également les coopérations et les partenariats européens.
Dernier volet, il faut veiller à la qualité du mécanisme de prix du carbone qui doit se mettre en place aux frontières de l’Union et déployer une diplomatie énergétique efficace vis-à-vis des Etats-Unis et de la Chine.
Etant entendu qu’il faut agir vite, car le choc sur les prix de l’énergie créé un risque de décrochage de l’industrie européenne et les dérèglements liés au changement climatique sont sans cesse plus pressants.
Quelles sont à l’inverse les idées sur la table qu’il faudrait éviter absolument ?
Loïk Le Floch-Prigent : Pour satisfaire la population des infatigables défenseurs de la décroissance, une bonne industrie est une industrie morte et la meilleure façon d’en accélérer la mort est de lui ajouter des contraintes qui renchérissent le cout de ses produits. C’est l’engrenage dans lequel on a conduit l’industrie française à l’exil, il y aura toujours des adeptes de ces débordements qui conduisent les entreprises à investir ailleurs et à déserter notre pays. Le Groupe Le Duff qui voulait s’installer à Liffré près de Rennes depuis cinq ans avec une usine « Bridor » vient d’être empêché de construire son usine par un mélange de militants et d’administrations malgré cinq ans de procédure, ce n’est pas un cas isolé, c’est un exemple du mépris affiché de l’industrie et du combat mené par des anti -industriels maladifs contre la production pour défendre un environnement qui ne peut survivre que grâce au développement industriel. Ecouter et valoriser les militants anti science et anti industrie sont la meilleure manière de condamner notre pays au déclin rapide. Les ZAD qui ont connu leur heure de gloire avec Notre Dame des Landes, l’Aéroport dont l’agglomération n’arrive pas à se remettre a montré le chemin pour les apôtres de la décroissance qui sont en train de ruiner notre pays. Ecoutons les et le pays va mourir , et d’abord son industrie. Aujourd’hui le problème de notre secteur de production, ce n’est pas le CO2 résiduel mais celui de notre facture énergétique devenue insupportable parce que nous mettant en état de non compétitivité structurelle.
Luc Poyer : La première fausse bonne idée serait de remettre en cause la « plaque de cuivre » électrique européenne qui unit de facto les pays européens créant une « solidarité de fait », pour reprendre l’expression des pères fondateurs de l’UE. C’est grâce à cette plaque de cuivre que nous avons pu jusqu’à présent traverser la période actuelle de difficultés techniques sur notre parc nucléaire sans interruption de fourniture aux consommateurs. Cette Europe des réseaux énergétiques est essentielle pour couvrir les risques de défaillances de telle ou telle composantes des différentes chaines d’approvisionnement. Il faut renforcer encore dans ce domaine la solidarité européenne. C’est bien dans l’épreuve que l’on compte ses amis. A cet égard, il faut se réjouir du dispositif mis en place entre la France et l’Allemagne pour pallier les déficits de l’un en gaz naturel ou en électricité disponible par les excédents de l’autre. Il faudrait pouvoir aller plus loin et réussir à établir des positions communes et des coopérations industrielles renforcées couvrant les autres volets de la politique énergétique, sans craindre les remises à plat sur des sujets sensibles si cela s’avère nécessaire.
L’autre mauvaise idée serait l’attentisme. Ne pas prendre de décisions serait de toute évidence contre-productif. The clock is ticking !
Y a-t-il des pistes trop peu explorées qu’il serait bon de mettre en avant pour décarboner l’industrie française sans l’achever ?
Loïk Le Floch-Prigent : La recherche a beaucoup travaillé et il serait bon d’y faire appel, aussi bien sur la captation souterraine du CO2 que sur l’utilisation industrielle du CO2, mais les politiques actuels se sont tellement éloignés de la science qu’ils finissent par ignorer les éléments les plus simples. Il faut qu’ils retournent rapidement à l’école et qu’ils acceptent avec humilité quelques cours de physique et de chimie pour comprendre les conséquences des textes qu’ils votent, des mesures qu’ils proposent. Ils ne sont pas de mauvaise foi, ils sont généreux, mais, hélas, fondamentalement ignorants des bases de la physique que les encyclopédistes des Lumières avaient amplement développé. Les résultats ont fortement évolué depuis, mais les bases de la connaissance , un observation, un dispositif expérimental, des résultats et des retours sur expérience restent des éléments fondamentaux à prendre en compte dès que l’on veut traiter de problèmes scientifiques et techniques. Faire de la politique sur des émotions et des fantasmes ne peut aller bien loin, c’est malheureusement là où nous sommes. Les cinquante sites industriels ont déjà traité les problèmes de pollution, le problème du CO2 est d’intérêt négligeable pour la France, encore plus pour la « planète », s’y intéresser c’est se moquer du monde, mais revenons au vrai sujet, celui de maintenir une industrie en France et là il nous faut une énergie abondante et bon marché et une administration bienveillante, loin des DREALS punitives actuelles, les chevaux sont fatigués, inutile de les achever !
Cher Loik, la chimie ne fera pas grand chose avec le CO2. La synthèse de l’urée, la synthèse du méthanol (mais il faut également de l’hydrogène ; or, on coproduit (CO + CO2 + H2) par vaporéformage du méthane, donc du CO2 et on ne poura en convertir qu’une fraction mineure.
En chimie minérale, les métaux (e.g. calcium, strontium, baryum) sont exploités sous forme de carbonates. Ils libèrent leur CO2 par chauffage et l’oxyde se forme.
Bien entendu, il y a huitres, moules, escargots qui immobilisent du CO2 (leur coquille, faite de carbonates) mais, moins de 100 000t/an pour la France.
Donc, le principal stockage du CO2, c’est . par synthèse chlorophyllienne. On peut faire croître des chênes et stocker les troncs (à l’abri du feu, cf. Notre Dame)
Mais l’accroissement (modeste) de la concentration en CO2 est-il vraiment la cause du réchauffement climatique ??? Le GIEC l’affirme avec force et les climato-réalistes mettent (plus logiquement) en cause les variations de l’activité solaire (avec un décalage temporel de – 15 ans) Ces deux thèses scientifiques ont engendré une véritable guerre d’opinion dont le GIEC (qui détient le pouvoir via l’Europe) sort vainqueur à ce jour.
Le problème que l’Etat prétend traiter est donc multiparamétré. A nouveau, cher Loik, l’écologisme politique parle au nom de sa science à lui, et la France en sort bien malade.
« la concentration en CO2 est-il vraiment la cause du réchauffement climatique ? » : la réponse est non…
Dans les conditions actuelles, l’absorptivité du rayonnement infrarouge par le dioxyde de carbone est quasi maximale : elle ne dépend que très faiblement d’une variation de la concentration de ce gaz. C’est la saturation en absorption du CO2. Bref, je peux rajouter autant de CO2 que je veux, ce n’est pas pour autant qu’il bloquera plus de 100% des radiations, comme il le fait déjà !
Quel est l’intérêt de conserver dans nos structures, fonctionnant avec des capitaux publics… une foultitude d’organismes dont on se demande quelle peut être réellement l’utilité ?
le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Conseil d’analyse économique (CAE) ,le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), le nouveau Commissariat général au plan, les Chambres de commerce et d’industrie (CCI),le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) et toutes les démultiplications du CNRS qui fonctionnent dans les universités avec une Direction des relations avec les entreprises (DRE)……Avec toutes ses structures étatiques s’occupant de nos problèmes de développement économique, nous devrions être en Europe, l’économie la plus puissante et la plus dynamique!
Il nous faut cerner les raisons pour lesquelles les pouvoirs publics ont failli à leur mission et comprendre pourquoi nos « économistes » n’ont rien vu… Notre « élite » politique devant préférer l’incantation et le saupoudrage social plutôt que l’investissement industriel, avec son cortège de refuznik verdâtres et passéistes s’agitant eux aussi en foultitude dans les couloirs de l’état.
Dave ROBICHEAUX, bonjour.
Nos amis britanniques résument ainsi le problème pertinent que vous posez :
« Too many cookers poil the soup ! »
Un Directeur général d’une entreprise parapublique Française disait, de même : « Il faut bien donner un bol de soupe à tout le monde »
Pour des raisons multifactorielles, l’Etat (toutes tendances confondues ) a multiplié, diversifié jusques à l’excès d’innombrables « COMITE THEODULE » lesquels coûtent fort cher à la Nation, diluent de façon excessive l’origine de toute décision d’Etat et même, contribuent essentiellement au pouvoir d’indécision actuel.
Loïk Le FLOCH PRIGENT a connu de bien plus près que moi cette cohorte de « comités de tous poils » et j’apprécierais qu’il leur consacre un jour l’une de ses pertinentes Philippiques.
Philippe COURTY
Ancien Directeur Adjoint Business unit ; refining and petrochemicals, IFPEN.
Ingénieur, Docteur ès Sciences
Encore un article pertinent !
Le débat est biaisé dès le départ, il est admis et jamais questionné que l’homme est le destructeur de la nature et que le CO² est néfaste. Taxer le CO² fait encore perdre en compétitivité nos entreprise Européenne. Il y a certes des événements climatiques extrêmes mais la température moyenne du globe n’évolue plus depuis près de huit ans !
La prédication colapsioniste qui pour économiser 2€ ici en fait perdre 10 à la communauté est relayé par nos politiques sans discernement ni analyse. Et si tous ces efforts étaient vains car une simple éruption volcanique sous marine produit plus de CO² que la diminution anthropique de toute l’Europe. La démographie galopante de l’Afrique augmentent le nombre de consommateur d’énergie…
Pourquoi décarboner ?! Le CO2 n’a qu’un rôle, mineur, marginal, dans la variation climatique… Comme le rappelle le Pr François Gervais spécialiste de l’infra rouge (effet de serre), ou aux USA le Pr Richard Linzen, probablement le meilleur météorologiste de sa génération. Le CO2 est une vaste fumisterie…