Lorsque les Ministres de la Transition écologique et de la Justice se réunissent pour clamer leur détermination à lutter contre les « infractions intentionnelles entrainant des dommages irréversibles à l’environnement » en créant un nouveau délit : « l’écocide », difficile de ne pas souscrire.
En lisant et relisant ce concert en stéréophonie on comprend qu’il s’agit d’abord de calmer les frustrations de la Convention Citoyenne pour le climat qui avait fait 150 propositions que l’exécutif s’était promis d’honorer. Donner du brin à moudre n’est pas de la grande politique, mais si c’est efficace pourquoi pas dans ces moments dépressifs covidés ou confinés ?
Le Ministre de la Justice , après avoir déclaré vouloir « mettre fin au banditisme gouvernemental » vide le « crime d’écocide » demandé par les nouveaux conventionnels et parle d’un délit général de pollution avec des « pénalités modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur » tout en parlant d’une progression entre l’infraction d’imprudence, d’une violation délibérée jusqu’à l’infraction intentionnelle ». Si l’on n’y prend garde , il y aurait là de quoi incriminer toute entreprise quelle que soit sa taille puisque le code environnemental est désormais plus lourd que le code du travail et est révisé quasi quotidiennement. On peut donc comprendre l’intention sans pour cela adhérer à l’explication directement diffusée, on peut , en conséquence , tout craindre de l’élaboration d’un texte flou qui viendrait en rajouter à l’inquisition vécue par les entreprises industrielles du pays . La Ministre de la Transition Ecologique en rajoute une couche « plus personne ne passera à travers les gouttes « … » »il faut augmenter le nombre de poursuites en renforçant les moyens d’enquête ».
Comme plus personne n’ose, semble-t-il , s’opposer aux délires des citoyens « tirés au sort ? » devenus l’expression du peuple de France à laquelle il faut obéir, que l’existence d’un monde la production n’a visiblement pas été prise en compte dans cet échange va-t-en-guerre, reprenons quelques éléments de la réalité.
La confusion entre les atteintes au climat avec les gaz à effet de serre et les pollutions est parfaitement illustrée et assumée dans le texte des interventions. On ne le dit pas suffisamment car cela dérange mais le gaz carbonique CO2 n’est pas un polluant, mais c’est un gaz à effet de serre. L’utilisation du véhicule électrique n’est pas polluante, mais le bilan carbone d’ensemble peut être désastreux si l’on utilise une électricité carbonée ( centrales charbon comme en Chine, en Inde ou en Allemagne ). On peut comprendre que le Ministre de la Justice parle de pollution , mais la Ministre de la Transition Ecologique parle de climat …on devra abandonner le « en même temps ».
En ce qui concerne la pollution, Gouvernement, Parlementaires et fonctionnaires rivalisent de normes et règlements généralement en partie contradictoires et pour partie impraticables ou inutiles. Avant d’enrichir un plan d’augmentation des dépenses de l’Etat avec un accroissement du nombre des fonctionnaires, un toilettage du code de l’environnement sera indispensable car il faudra bien définir ce qui est du domaine de la contravention de celui du délit pour éviter qu’il y ait rapidement plus de contrôleurs que de potentiellement contrôlés.
Pour un industriel de transformation, un manufacturier, il y a une obligation de rejets dans l’air, dans l’eau, et de chutes de produits de base, des fournitures . La pollution( eau, air, déchets) n’est donc pas une « volonté » mais un constituant structurel de son activité. Observer strictement les évolutions des normes et règlements conduit inévitablement aujourd’hui à jeter l’éponge, c’est une des causes des délocalisations que l’on veut absolument ignorer mais qui est néanmoins évidente : on peut la cacher pour éviter de paraitre un mauvais citoyen en prétextant de salaires et de charges, voire d’impôts surchargés, mais l’évasion vers des pays plus souples ou compréhensifs que le notre a fait dériver une partie de notre appareil industriel vers d’autres contrées. Quand les fonctionnaires s’abattent sur une entreprise avec leurs quatre à cinq pages de spécifications, personne dans l’entreprise n’a le sentiment de « passer à travers les gouttes « et pour le personnel s’en sortir sans pénalités, sans fermeture et sans délocalisation est une priorité , tous unis derrière le chef d’entreprise qui cherche à sauver la production. Car , bien sur , on peut aller vers « zéro émission », « zéro déchets non recyclés »…mais cela a un cout qui peut ne pas être du gout de l’actionnaire qui aimera mieux fermer ou de celui du directeur d’usine qui sait qu’il perdra en compétitivité de façon définitive. L’intention, n’en déplaise aux ayatollahs de l’environnement n’est pas de polluer, mais de sauver l’entreprise en respectant au mieux les règlements. Pour cela ce ne sont pas de punitions dont les entreprises ont besoin mais d’aides pour apprécier dans le temps les investissements prioritaires obligatoires et ceux qui le sont moins . Il faut passer beaucoup de temps pour limiter les dépenses et empêcher la délocalisation. C’est de cette façon dont les problèmes se posent dans la majorité des cas et il faut dans les administrations un personnel compétent , compréhensif, bienveillant, capable de fixer les orientations et les délais sans mises en demeure intempestives et sans avoir à guerroyer contre leurs supérieurs éloignés de la réalité et terrorisés par la perspective de dérives de carrières voire de plaintes pénales. Si l’on veut conserver une industrie manufacturière nationale c’est dans ce sens qu’il faut raisonner et les retours du terrain devraient conforter les membres du Gouvernement désireux de maintenir un secteur productif national .
La manière dont la question de ce fameux crime d’écocide dont on change rapidement la formulation en parlant de « bandits » puis de pollueurs volontaires montre l’ignorance de ce qu’est l’industrie. La réception du discours par les gens de terrain est que toute action industrielle est effectuée par des voyous dont il faut éradiquer à la fois les pratiques et l’existence . Rajouter encore une couche anti-industrielle à une législation déjà très punitive , donner de nouvelles directives aux fonctionnaires pour être encore plus sévères et encourager la comparution dans les tribunaux de délinquants environnementaux est une absurdité, en particulier dans une année où une grande partie de l’appareil industriel lutte désespérément pour sa survie.
Il y a certainement des fraudeurs environnementaux, comme des fraudeurs fiscaux, des fraudeurs du droit du travail, des spécialistes des effets d’aubaine …la législation actuelle est suffisante pour les traquer et les condamner, c’est souvent plutôt la volonté et la détermination qui font défaut . Créer un nouveau délit à grands renforts de trompettes et d’effets de manche pour satisfaire une branche de l’écologie qui rêve de décroissance et de pureté n’apparait pas raisonnable, il faut surtout redonner confiance aux industriels dans l’avenir du pays , les encourager à ne pas délocaliser, leur trouver les fonds propres qui vont leur permettre d’investir dans le futur qui sera effectivement plus digital, plus numérique, plus propre. L’industrie a besoin d’investissements et d’investisseurs , il lui faut donc convaincre que l’on peut être rentable dans notre pays pour résister à la compétition internationale, les règles environnementales doivent donc être partagées par tous les pays avant d’en inventer de nouvelles spécifiques au notre : nous ne sommes pas le centre du monde qui doit donner l’exemple. Pour l’instant notre politique nombriliste a conduit à la désindustrialisation du pays , ayons l’intelligence de la reconnaitre.